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Full text of "Étude sur les luxations sous-astragaliennes anciennes : difformités ou infirmités qu'elles entraînent, indications qu'elles présentent"

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ÉTUDE 


SUR  LES 


Luxations  sous-aslracjaliennes  anciennes 


DIFFORMITÉS  OU  IXFIRMITËS  Qu’eLLES  ENTRAINENT 


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LUXATIONS  SOÜS-ASTRAGALIENNES 

ANCIENNES 

Difformités  ou  Infirmités  qu’elles  eulraîueut 

INDICATIONS  QU’ELLES  PRÉSENTENT 


PARIS 

LIBRAIRIE  J.-B.  BAILLIÈRE  et  FILS, 
19,  rue  Haulefeuille,  près  le  boulerard  Saiat-GermaiD. 


Léon  DU  BOURG, 

Docteur  eu  médecine  de  la  Faculté  de  Paris. 


1874 


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ÉTTTDE 


SUR  LKS 

LllMTIONS  SOUS-ASTIIÂfiAlimES  ANCIEIES 

DIFFORMITÉS  OU  INFIRMITES  Qu’eLLES  ENTRAINENT 

INDICATIONS  QU’ELLES  PRÉSENTENT 


Au  mois  de  novembre  1873,  j’eus  l’occasion  d’observer, 
dans  ie  service  de  mon  excellent  maître,  M.  le  professeur 
V^erneuil,  un  malade,  dont  je  rapporterai  plus  loin  l’his- 
loire  en  détail.  Telle  a été  l’orig’ine  de  l’étude  que  je  me 
propose  de  faire. 

Cet  homme  venait  à l’hôpital  réclamer  le  soulag’ement 
d’une  douleur  insupportable,  continue,  qui  siég'eait  au  cou- 
de-pied droit  et  dans  toute  l’étendue  du  pied.  L’examen 
de  cette  rég’ion  et  les  renseig’nements  précis  que  fournis- 
sait le  malade,  dont  les  souffrances  remontaient  à treize 
mois,  firent  porter  le  diagnostic  suivant  : Névrite  intense 
du  nerf  tibial  postérieur^  déterminée  par  une  compression  de 
ï astragale^  déviée  en  luxation  sous-astragalienne  ancienne  {va- 
riété interne). 

Une  opération  paraissait  très-nettement  indiquée.  Mais 
à quel  procédé  accorder  la  préférence?  C’est  ce  que  l\J.  le 
professeur  Verneuil  nous  exposa  dans  une  leçon  des  plus 
intéressantes  et  que.  l’on  peut  résumer  en  deux  traits  prin- 
cipaux ; 

1“  Notre  savant  maître  croit  que  la  réduction  des  luxa- 


— 6 — 


lions  soiis-astrag’aliennes  a des  conséquences  malheu- 
reuses ; 

2°  A son  avis,  X extraction  de  l’astrag*ale  et  des  esquilles, 
tardivement ^ïiVQC.  la  résection  des  malléoles,  permet  d’éviter 
l’amputation,  dont  les  résultats  sont  d'ailleurs  désas- 
treux (1). 

Gomme  on  le  verra  dans  la  suite  de  ce  travail,  les  résul- 
tats de  l’opération  ont  pleinement  justifié  cette  manière 
de  voir,  conforme,  d’ailleurs,  aux  observations  qui  ont 
été  recueillies  jusqu’à  ce  jour,  tant  en  France  qu’a  l’é- 
trang-er. 

Cependant  toutes  les  luxations  sous-astrag’aliennes  ne  se 
présentent  pas  avec  le  même  cortég’e  de  phénomènes.  C’est 
pourquoi,  nous  le  verrons  dans  la  seconde  partie  de  cette 
étude,  le  même  g'enre  de  traitement  ne  convient  pas  à tous 
les  cas.  Il  en  résulte  que  nous  aurons  à examiner  ces 
luxations  dans  leurs  diverses  manières  d’être.  On  peut  les 
ramener  à deux  étals  principaux,  si  on  ne  considère  que 
leurs  suites,  et  c’est  ce  que  nous  nous  proposons  unique- 
ment de  faire. 

1®  Les  luxations  sous-astrag’aliennes  laissent  après  elles 
ou  des  difformités  ou  des  infirmités. 

2°  Quels  moyens  sont  propres  à triompher  de  ces  étals 
patholog’iques,  à faire  disparaître  les  accidents  éloig’nés? 

Qu'il  me  soit  permis  d’offrir  ici  mes  remercîments  les 
plus  sincères  à mon  exeellent  maître  M.  le  professeur 
Verneuil,  puisqu’il  a bien  voulu  me  confier  ce  travail.  Je 
me  suis  efforcé  d’apporter  à l’accomplissement  de  ma 
tâche  un  soin  ég’al  à la  reconnaissance  et  au  respect  que 
la  bienveillance  dont  vous  m’avez  entouré  et  votre  haut 
enseig’nement  ont  inspiré  à l’un  de  vos  élèves  les  plus 
dévoués. 

(1)  Leçon  clinique  et  Bulletin  de  la  Soc.  anatom.  Paris,  t.  XVII, 
2®  série. 


Je  prie  aussi  M.  le  professeur  Broca  d’ag’réer  l’expres- 
sion de  toute  ma  g-ratitude  pour  la  complaisance  qu’il  a mise 
à me  communiquer  la  plus  g*rande  partie  des  faits  que 
nous  donnerons  plus  loin. 

Bien  cher  ami  Bureau,  je  vous  dois  aussi  une  largue 
part  dans  mes  remercîments,  pour  l’empressement  et  les 
soins  que  vous  avez  apportés  à dessiner  les  planches  de  ce 
travail. 

Il  n’entre  pas  dans  le  plan  de  ce  travail  de  reprendre 
les  long*ues  discussions  qui  ont  eu  lieu  à diverses  époques, 
lorsqu’on  a cherché  à classer  les  luxations  de  l’astrag’ale. 
Malg’aig’ne  et  M.  Broca,  les  premiers,  ont  présenté  des  ta- 
bleaux assez  différents  pour  que  les  opinions  soient  encore 
partagées  à ce  sujet  : mais  les  autres  auteurs  n’y  ont  ap- 
porté aucune  modification.  Eu  égard  au  but  que  nous  nous 
proposons  d’atteindre,  cela  est  pour  nous  d’une  impor- 
tance très-secondaire.  Mais  il  nous  a semblé  qu’une  des- 
cription rapide  de  l’articulation  tibio-péronéo-astrayalienne 
et  l’histoire  des  luxations  de  l’astragale  (variétés  sous- 
astragaliennes)  étaient  le  préliminaire  obligé  à l’étude 
des  moyens  curatifs  que  réclament  ces  sortes  de  luxations, 
devenues  irréductibles,  ou  parle  temps  ou  par  le  genre  de 
déplacement  qu’a  subi  l’astragale. 

Notre  étude  comporte  donc  deux  divisions  principales  : 
1°  Histoire  des  luxations  sous-astragaliennes  ; 

2"  Indications  que  présententent  les  luxations  sous-as- 
tragaliennes anciennes,  tirées  des  accidents  qui  paraissent 
tardivement  ou  des  lésions  persistantes.  En  d’autres 
termes,  que  fera-t-on  dans  le  cas  de  difformités  anciennes 
et  consécutives?  Que  fera-t-on  contre  les  infirmités^  dans  les 
mômes  circonstances? 


Anatomie  et  physiologie  du  cou-de-pied.  — L’articulatio 
du  cou-de-pied,  limitée  d’une  manière  différente  par  les 


8 


auteurs  (Blandin,  Malg’aig'ne,  Velpeau),  comprend,  d’après 
M.  le  professeur  Richet,  qui  adopte  complètement  les  vues 
de  Velpeau  : les  deux  malléoles,  l’extrémité  inférieure  du 
tendon  d’Achille,  et  les  deux  articulations  tibio-péronière 
ettibio-péronéo-astrag’alienne.  (Richet,  Anat.  méd.-chir., 

3®  édition,  Paris,  p.  1074.) 

Une  saillie  osseuse  formée  par  l’extrémité  inférieure  du 
tibia  constitue  la  malléole  interne. 

En  dehors,  la  malléole  externe  est  formée  par  l’extrémité 
inférieure  renflée  du  péronée;elle  descend  un  peu  plus 
bas  que  l’interne. 

En  se  réunissant  par  arthrodie,  ces  deux  os  établissent 
une  mortaise,  oblong’ue  dans  le  sens  transversal,  et  dont 
le  tibia  forme  seul  la  plusg-rande  partie.  Une  saillie  antéro- 
postérieure, très-mousse,  divise  en  deux  parties  cette  sur- 
face d’avant  en  arrière.  Elle  correspond  à la  partie  de  la 
face  supérieure  de  l’astrag’ale.  La  mortaise  est  complétée 
par  deux  lig’aments  tibio-péroniers,  l’un  en  avant,  l’autre 
en  arrière. 

L’astrag’ale  forme  la  seconde  partie  de  cette  articulation. 
Sa  face  supérieure  est  allong’ée,  en  sens  inverse  de  la 
mortaise,  c’est-à-dire  d’avant  en  arrière,  et  inég’alement 
divisée  en  deux  parties  par  une  g’org’e  qui  loge  la  crête 
antéro-postérieure  de  la  mortaise. 

De  telle  sorte,  ditCruveilhier,  que  leplus  granddiamètre 
de  la  trochlée  astragalienne  est  dirigé  d’avant  en  arrière, 
tandis  que  le  plus  g’rand  diamètre  de  lamortaiseest  dirigé 
transversalement.  Or,  c’est  précisément  cette  dispropor- 
tion entre  ces  deux  diamètres  qui  se  croisent,  qui  mesure 
l’étendue  des  mouvements  d’extension  et  de  üexion  du 
pied. 

'■>ois  forts  ligaments  externes  maintiennent  le  contact 
eiiire ces  deux  surfaces;  en  dedans,  un  seul  ligament;  mais 
il  est  extrêmement  puissant. 


— 9 — 


En  avant  et  en  arrière,  on  ne  trouve  pas,  à proprement 
parler,  de  lig^aments.  C’est  un  tissu  cellulaire  lâche,  mem- 
braniforme,  qui  double  la  synoviale,  et  se  confond  avec  les 
g’aînes  tendineuses  voisines.  En  effet,  que  l’on  isole  les 
tendons  qui  recouvrent  la  face  antérieure  et  la  face  posté- 
rieure, et  l’intérieur  de  l’articulation  se  montre,  pour  ainsi 
dire,  à découvert. 

Destinée  à supporter  le  poids  du  corps,  et  prenant  une 
part  active  à la  progression,  cette  articulation  est  douée  de 
la  plus  g*rande  solidité.  Comme  les  deux  pièces  qui  la 
forment  sont  réciproquement  perpendiculaires,  l’une 
transmet  directement  à l’autre  le  poids  qu’elle  reçoit. 

En  outre,  la  conformation  ang-uleuse  de  ia  mortaise  (par 
les  malléoles)  et  la  forme  de  la  trocblée  astrag*alienne, 
constituent  un  véritable  emboîtement  réciproque.  Cela 
réalise  le  plus  haut  deg’ré  de  solidité  compatible  avec  les 
mouvements  étendus  dont  l’astragale  est  le  siégé. 

L’élasticité  du  péroné  complète  la  résistance.  Le  moindre 
eflort  ne  ferait-il  pas  éclater  cette  moidaise,  si  elle  n’était 
formée  que  par  une  excavation  creusée  dans  le  tibia 
seul? 

Mais  là  n’est  pas  le  seul  avantage  de  celte  disposition. 
L’emboîtement  parfait  des  deux  os  (|ui  constituent  le  gin- 
glyme  tibio-péronéo-astrag’alien  réalise  en  meme  temps 
les  conditions  les  plus  favorables  précismi  et  à V énergie 
de  la  flexion  et  de  l’extension  du  pied.  Ce  sont  d’ailleurs  les 
seuls  possibles  dans  cette  articulation.  Les  inclinaisons 
latérales  ne  font  pourtant  pas  absolument  défaut;  mais 
il  est  ég'alement  vrai  d’ajouter  qu’alors  le  moindre  excès 
de  pression  de  l’astrag’ale  suffît  à casser  le  péroné. 

.J’ai  déjà  fait  observer  que, "soit  en  avant,  soit  en  arrière, 
les  ligaments  n’existaient  pas  au  point  de  mériter  ce  nom. 
Ces  faces  du  gingîyme  sont  recouvertes  par  tous  les  ten- 
dons des  muscles  de  la  jambe,  qui  vont  au  pied.  On  y 


- 10  — 

trouve  encore  des  vaisseaux  et  des  nerfs.  Et  dans  l’histoire 
des  luxations  soiis-astrag'aliennes,  les  org-anes  vasculo- 
nervpux  revôtentun  caractère  spécial  d’importance,  à cause 
des  accidents  sérieux  auxquels  leur  lésion  peut  donner 
naissance.  Nous  étudieronsplus  loin  la  fréquence  et  la  na- 
ture des  lésions  qu’une  luxation  de  l’astrag’ale  peut  pro- 
duire, en  s’eng-ag’eant  au  travers  des  parties  molles.  Mais 
n’anticipons  pas. 

Il  n’est  pas  moins  utile  de  sig’naler  le  mode  de  nutrition 
de  l’astrag’ale.  Cet  os,  articulaire  par  toutes  ses  faces,  ne 
reçoit  des  vaisseaux  que  par  un  point  ; c’est  par  la  partie 
inférieure  du  col.  Qu’une  luxation  se  produise,  et  elle  s’ac- 
compag-nera,  presque  inévitablement,  de  rallong*ement,  de 
la  torsion  et  quelquefois  même  de  la  rupture  de  ces  vais- 
seaux. Et  par  ce  fait,  voici  désormais  l’astrag^ale  trans- 
formé en  un  corps  étrang-er,  qui  peut  subir  toutes  les  mo- 
difications qu’entraîne  dans  les  tissus  l’arrêt  de  nutrition 
ou  une  alimentation  vicieuse. 

Je  pense  en  avoir  dit  assez  pour  pouvoir  aborder  aus- 
sitôt l’histoire  des  luxations  sous-astrag’aliennes,  anciennes^ 
qui  seules  nous  intéressent  dans  cette  étude.  Passons  sur 
les  classifications  qui  ont  été  proposées,  aussi  nombreuses 
que  ceux  qui  ont  traité  de  rastrag*ale.  Nous  donnons  le 
nom  de  luxations  soiis-astrag'aliennes  à ces  cas  où  l’as- 
trag-ale,  abandonnant  une  partie  de  ses  rapports  normaux, 
se  sépare  du  calcanéum  en  arrière,  du  scaphoïde  en  avant, 
mais  sans  se  déplacer  de  sa  situation  dans  la  mortaise  ti- 
bio-péronière. 

Historique.  — 1.’ étude  des  luxations  sous-astrag-aliennes 
est  de  date  récente.  C’est  à M.  le  professeur  Broca  que  la 
science  est  redevable  de  l’étude  complète  de  ces  déplace- 
ments. Ce  savant  professeur  réunit  le  premier  les  faits 
qui  avaient  été  publiés  isolément  et  de  loin  en  loin.  11 


présenta  sur  ce  sujet  un  remarquable  Mémoire,  lu  à la 
Société  de  chirurg-ie  en  1852.  On  nous  pardonnera  de  pui- 
ser Iarg*ement  à cette  source;  ;car  les  rares  faits  qui  ont 
été  publiés  depuis  cette  époque  n’ont  g*uère  modifié  les 
idées  exposées  par  cet  auteur.  tr 

La  première  observation  publiée  est  celle  de  Bromfield, 
qui  fut  publiée  par  Hey;  mais  ce  fait  est  mal  défini.  — 
Judcyen  publia  un  deuxième  cas  en  1811.  Et  quoique  le 
texte  de  cette  observation  montre  clairement  qu’on  avait 
affaire  à une  luxation  sous-astrag*alienne,  Judcy  la  publia 
sous  le  texte  erroné  de  luxation  métatarsienne. 

Il  faut  arriver  jusqu’en  1835  pour  trouver  enfin  une 
observation  irréprochable;  elle  fut  publiée  par  Nélaton. 
Il  faut  ajouter  que  le  malade  mourut  par  suite  de  l’opéra- 
tion immédiate.  L’examen  anatomique,  fait  avec  le  plus 
g-rand  soin,  permit  enfin  d’appréciei\exactement  le  g’enre 
des  lésions  qui  se  produisent  dans  ces  luxations.  (Fait  de 
Roux,  Bull,  de  la  Soc.  anat.,  t.  X,  p.  38,  1835.  ) — Deux 
ans  plus  tard,  Arnott  en  fit  connaître  un  nouveau  cas,  que 
nous  rapporterons  nous-même  plus  loin  (in  Lo?ido?i  Me- 
die.  Gaz.,  t.  XX,  p.  588, 1837). 

Deux  ans  après,  un  fait  de  Mac  Donnel  eut  un  grand 
retentissement,  à l'aison  du  nom  bien  connu  de  la  vic'ime; 
c’était  le  professeur  Garmichaël,  de  Dublin.  Mais  ce  ne  fut 
qn  en  1847,  que  les  luxations  sous- astrag’alien nés  prirent 
définitivement,  dans  les  ouvragées,  le  rang*  que  leur  im- 
portance leur  assig*nait  ; Nelaton  leur  consacra  un  long* 

article  dans  son  Traité  de  patholocjie  externe  { édition  de 
1847.)  ' ^ 

Peu  de  temps  après  (1852),  parut  le  remarquable  mé- 
moire deM.  le  professeur  Broca.  Les  résultats  de  l’expé- 
rience unis  à une  judicieuse  critique  des  observations  pu- 
bliées jusque-là,  permirent  à cet  auteur,  de  tracer  enfin 
riustorique  des  luxations  de  Fastrag-ale.  Depuis  cette 


— 1-2  — 


npoqne,  aucun  lait,  du  moins  notre  connaissance,  se  •' 
rapportant  à ceux  que  nous  voulons  étudier,  n’a  été  pu- 
blié. Mais  quelques  nouveaux  travaux  sont  venus  s’ajou-  I 
ter  aux  recherches  de  M.  Broca.  Parmi  eux,  il  convient  de  j 
citer  1^  thèse  inaugurale  de  M.  Duhrueil,  en  1863.  Deux 
observations  que  nous-même  avons  reeueillies  dans  la  " 
pratique  de  notre  exeellent  maître,  M.  le  professeur  Ver- 
neuil.  seront  publiées  dans  le  courant  de  cette  étude  qu’elles  i 
ont  inspirée. 


Les  luxations  sous-astrcif/aliennes ^ nous  l’avons  déjà  dit, 
sont  constituées  par  un  déplacement  de  l’astragale  sur  le  ' 
calcanéum  et  sur  le  scaphoïde;  l’astragale  conservant  [ 
d’ailleurs  ses  rapports  normaux  avec  la  mortaise  péronéo- 
tibiale.  Cette  conception,  qui  est  d’accord  avec  la  théorie 
de  Malgaigme , est  contraire  aux  idées  que  M.  Broca  se 
fait  des  mêmes  luxations.  Pour  ce  dernier,  ce  sont  le  cal- 
canéum et  le  scaphoïde  qui  se  déplacent  sur  l’astragale.  , 
Tout  en  avouant  humblement  notre  incompétence  en  pa-  . 
reille  matière,  nous  préférons  pourtant  adopter  la  manière 
de  voir  de  Malgaigne;  car  il  paraît  naturel  d’indiquer  les 
différentes  variétés  de  luxation  de  l’astragale  par  la  di- 
rection que  cet  os  suit  dans  ses  déplacements. 

Gela  dit  : l’aslrag-ale  peut  glisser  sur  le  calcanéum  et  le 
scaphoïde,  suivant  quatre  directions  principales  : 

1"  Luxations  sous-astragaliennes  en  avant; 

2°  — — en  arrière  ; 

3«  — — en  dedans; 

40  — — en  dehors. 

Mous  ne  nous  occuperons  que  pour  mémoire  des  deux 
premières  variétés.  Elles  sont  extrêmement  rares  et  faciles 
à diagnostiquer.  En  effet,  tandis  que  l’on  cite  deux  cas  de  ^ 


- 13  — 


luxation  sous-astrag-alienne  en  avant  (cas  de  Mac  IJoiinell, 
I cas  de  Malg-aig’ne) , et  un  seul  de  luxation  en  arrière  (fait 

Icle  Parise,  cité  par  Malg’aigaie),  le  nombre  des  luxations 
en  dedans  et  en  dehors  est  considérable.  Nous  nous  bor- 
nerons donc  à la  seule  étude  de  ces  deux  dernières  es- 
pèces. 

Ces  deux  sortes  de  luxations  comportent  elles-mêmes 
d’autres  subdivisions.  Elles  peuvent  être  complètes  ou  in- 
complètes^ suivant  que  Taslrag’ale  est  plus  ou  moins  sépa- 
rée des  surfaces  calcanéennes  et  surtout  du  scaphoïde. 

Quant  aux  causes,  elles  n’olYrent  rien  de  bien  particulier. 
De  même  que  dans  les  autres  luxations,  elles  sont  directes 
ou  indirectes.  Cependant,  à ce  propos,  il  résulte  des  obser- 
vations étudiées  par  M.  Broca  que. les  luxations  par  cause 
indirecte  sont  de  beaucoup  les  plus  fréquentes.  Tandis 
que  les  premières  proviennent  d’une  violence  agissant 
immédiatement  sur  le  pied  : une  chute,  un  faux  pas,  une 
circonstance  qui  fait  porterie  pied  à faux,  telles  sont  les 
origines  les  plus  fréquentes  des  luxations  sous-astrag^a- 
liennes,  alors  de  cause  indirecte.  Ajoutons  qu’il  n’est  pas 
toujours  facile  d’expliquer  la  lésion  par  l'accident  qui  l’a 
produite. 

Les  luxations  sous-astragaliennes  en  dedans  sont  incompa- 
rablement plus  fréquentes  que  les  memes  déplacements  de 
1 astragale,  en  arrière  ou  en  avant.  Nous  avons  également 
signalé  que  M.  Broca  (Ij  avait  noté  la  grande  fréquence 
des  causes  indirectes.  Cette  marque  est  surtout  vraie  dans 
la  variété  que  nous  examinons  maintenant.  Le  mécanisme 
par  lequel  se  produisent  iles  luxations  sous-astragaliennes 
est  aujourd  hui  bien  connu.  Le  plus  souvent  elles  pro- 
viennent delà  chute,  sur  le  pied,  d’un  lieu  élevé;  tandis  que 
le  pied  est  subitement  porte  dans  une  abduction  forcée  on. 

(1)  Broca.  Loc.  cit. 


_ 14  — 


011  adduction,  et  qu’il  repose  principalement  alors  sur  le 
calcanéum.  Nous  savons  ég'aloment  que  les  mouvements 
d’abduction  et  d’adduetion  se  font  en  un  siég*e  bien  déter- 
miné. Ils  résident  uniquement  dans  le  jeu  des  surfaces 
articulaires  sous-aslrag-aliennes , c’est-à-dire  dans  les 
points  de  contact  astrag'alo-calcanéens. 

La  production  de  ees  mouvements  est  encore  due,  en 
g'rande  partie,  à la  mobilité  de  la  condylienne,  astrag’alo- 
scaphoïdienne.  Mais,  il  faut  bien  remarquer  que,  dans  ces 
mouvements,  l’astrag'ale  reste  absolument  immobile.  Et 
il  faut  qu’il  en  soit  ainsi.  Le  déplacement  des  surfaces 
articulaires  ne  saurait  se  produire  s’il  en  était  autrement. 
Car,  c’est,  précisément,  par  le  fait  du  g'iissement  simultané, 
et  en  sens  contraire,  des  surfaces  sous-astrag*aliennes  et 
de  l’astrag’ale  restant  fixe,  que  la  luxation  se  produit. 

En  outre,  l’existence  d’une  luxation  sous-astrag’alienne 
est  entièrement  subordonnée  aux  rapports  ultérieurs  de 
l’astrag’ale  avec  les  os  de  la  jambe.  Il  est  nécessaire  que  la 
mortaise  et  la  poulie  maintiennent  exactement  leurs  rap- 
ports normaux.  Ce  qui  changée  uniquement,  c’est  l’axe  du 
pied.  Il  est  dévié. 

Quoique  l’adduction  et  l’abduction  puissent  être  produites 
isolément,  ils  s’accompag’nent  ordinairement  d’une  torsio?i 
du  pied  dont  le  bord  interne  s’élève  (varus),  ou  d’une  tor- 
sion avec  élévation  du  bord  externe  (valg’us).  Ces  mouve- 
ments ont  aussi  un  siég*e  spécial.  Ils  se  passent  uniquement 
dans  l’articulation  catcanéo-astrag*alienne.  Or,  comme 
celle-ci  est  toujours  détruite  dans  les  déplacements  dont 
nous  nous  occupons,  il  en  résulte  un  état  permanent  et 
patholog’ique  de  torsion  du  pied,  soit  en  varus,  soit  en 
valg’us,  simultanément  avec  la  déviation  de  la  pointe  en 
dedans  ou  en  dehors. 

Chaque  g*enre  d’ailleurs  a ses  caractères  spéciaux  qui  le 
disting*uent  de  toute  autre  lésion. 


— 15  — 


Voyons  donc  ce  qui  doit  se  joasser,  théoriquement,  dans, 
les  luxations  sous-astrag’aliennes  en  dedans. 

Le  pied  est  porté  dans  une  abduction  forcée^  avec  abais- 
sement du  bord  interne.  Le  bord  externe  est  relevé  (valg-us) 
le  plus  possible  dans  la  luxation  complété.  Les  lig'aments 
sous-astrag’aliens  se  déchirent.  La  tete  de  1 astrag*ale  presse 
outre  mesure  sur  la  partie  interne  de  la  capsule  qui  la 
retient  dans  la  cupule  scaphoïdienne.  Ce  manchon  mem- 
braneux se  déchire;  la  tête  de  l’astragale  s’engage  dans 
l’oriiice,  le  franchit  et  vient  faire  saillie  sous  les  téguments 
qu’elle  distend  en  raison  directe  de  son  déplacement.  Alors, 
la  face  externe  de  l’astragale  va  se  mettre  en  contact  avec 
le  rebord  interne  du  scaphoïde.  A ce  moment,  les  surfaces 
articulaires  inférieures  de  l’astragale  ont  quitté  les  sur- 
faces correspondantes  du  calcanéum.  Nélaton  (1)  a signalé 
une  circonstance  particulièrement  importante.  Le  dépla- 
cement de- l’astragale  s’arrête  à un  moment  donné.  Le 
crochet  qui  termine  cet  os,  en  bas  et  en  arrière,  s’engage 
et  se  fixe  si  solidement  dans  le  sinus  calcanéen  , que  cela 
devient  un  des  plus  sérieux  obstacles  à la  réduction. 

Dans  d’autres  cas,  l’astragnle  se  sépare  en  totalité  du 
calcanéum.  C’est  alors  que  le  pied,  entraîné  par  le  calca- 
néum, se  porte  en  masse  vers  la  malléole  externe. 

La  conséquence  nécessaire  des  faits  que  nous  venons 
d’exposer  brièvement  c’est  la  déchirure  des  parties  molles 
qui  embrassent  le  cou-de-pied.  Aussi  bien  les  vaisseaux  et 
les  nerfs,  les  tendons  et  la  peau  cèdent  à la  pression  de 
l’astragale  qui  fuit  son  siège.  Et,  que  l’on  ne  croie  pas  ces 
faits  aussi  rares  qu’on  a bien  voulu  le  dire.  La  rupture  des 
téguments  est  la  règle.  Une  luxation  sous-astragalienne 
est  l’exception.  Voilà  ce  qui  ressort  des  recherches 
de  M.  Broca(2). 

Et,  en  réalité,  tout  ce  qu’enseigaie  la  théorie  trouve  une 

(1)  Nélaton.  Loc.  cit. 

(2)  Broca.  Loc.  cit. 


— K)  - 


pleine  conliriualion  dans  ce  (jne  l’on  observe.  Chacun  des 
phénomènes  Iburnis  par  Je  raisonnement,  pliénoinènes 
possibles,  constitue  la  symptomatolog'ie  spéciale  des  luxa- 
tions sous-aslrag’aliennes. 

Le  plus  souvent  le  malade  est  dans  l’impossibilité  ab- 
solue de  faire  usag-e  du  membre  pelvien  cpji  a été  atteint. 
JjC  pied  est  déjeté  en  dehors.  Les  orteils  sontplus  ou  moins 
complètement  déviés  en  dehors,  et  désormais  dans  une 


abduction  permanente.  Le  bord  externe  du  pied  est  porté 
en  liant  (valg’us)  et  en  dehors.  Quelques  auteurs  ont  pour- 
tant avancé  qu  il  ne  se  produisait  aucun  renversement, 
et  que  Je  pied  repose  sur  sa  plante. 

L axe  du  membre  dessine  une  ligaie  irrég“ulièrement 
brisée.  La  direction  du  tibia,  qui,  à l’état  normal,  se  con- 
fond. avec  une  ligme  menée  par  le  milieu  du  cou-de-pied, 
vers  le  deuxième  orteil,  tombe  maintenant  en  dedans  du 
pied  et  en  avant.  L’avant-pied,  par  le  fait,  se  trouve  rac- 
courci. Le  calcanéum  fait  en  dehors  une  saillie  considé- 
rable ; et,  soulevant  à son  niveau  toute  l’épaisseur  des 
tég-uments,  il  produit  au-dessus  de  lui  une  dépression 
constante. 

La  face  interne  du  cou-de-pied  n’échappe  pas  à la  défor- 
mation que  subissent  les  parties  voisines.  La  malléole 
tibiale,  devenue  très-saillante,  y forme  une  éminence  con- 
sidérable. Enfin  la  caractéristique  de  ce  g’enre  de  luxa- 
tion, c’est  la  présence  d’une  saillie  volumineuse,  formée 
par  la  tète  de  l’astrag*ale  qui  soulève  les  tég*uments,  un 
peu  au-dessous  et  én  avant  de  la  malléole  tibiale.  JNous 
examinerons  plus  loin  la  conséquence  du  refoulement  des 
parties  molles. 

Après  l’étude  que  nous  avons  faite  et  la  manière  dont 
nous  comprenons  les  luxations  sous-astrag'aliennes,  il  est 
à peine  utile  d’insister  sur  les  mouvements  qui  sont 
maintenant  possibles.  La  seule  luxation  sous-astrag’a- 


— 17  — 

Hernie  entraîne  la  perle  de  tous.  C’est  ainsi  que  la  flexion, 
que  l’extension,  sont  intégTalement  conservées.  Mais  il  n en 
est  pas  de  même  des  mouvements  de  latéralité  et  de  tor- 
sion du  pied  en  dehors  et  en  dedans.  Le  plus  souvent  ils 
sont  tout  à fait  abolis. 

Des  luxations  sous-astrayaliennes  en  dehors.  — L’étude 
abrég’ée,  mais  complète,  (lue  nous  venons  de  faire  des 
luxations  sous-astrag’aliennes  en  dedans,  nous  permettra 
de  passer  rapidement  et  d’éviter  de  tomber  dans  des  redites 
au  sujet  d’une  autre  variété  qui  se  présente  : les  luxations 
en  dehors. 

Les  phénomènes  apparaissent  ici  dans  un  ordre  tout  à 
fait  inverse.  Ce  qui  frappe  principalement,  dans  ces  cir- 
constances nouvelles,  c’est  une  déviation  extrême  et  réci- 
proque de  la  jambe  et  du  pied. 

L’axe  de  la  jambe  tombe  à peu  près  complètement  ou 
même  complètement  en  dehors.  Le  pied  est  fortement 
déjeté  en  dedans.  Son  bord  interne  est  plus  ou  moins  relevé 
en  varus;  la  plante  et  la  pointe  suivent  ce  mouvement  et 
reg’ardent  lég’èrement  en  haut  et  en  dedans.  La  face  dor- 
sale est  diminuée  dans  sa  long’ueur.  Le  cou-de-pied  est 
déformé  par  la  progression  de  l’articulation  libio-astraga- 
lienne.  La  tête  de  l’astragale  déplacée  produit  un  volu- 
mineux soulèvement  des  parties  molles,  sur  la  face  externe 
du  pied  et  de  la  jambe.  Par  la  palpation,  on  la  reconnaît 
très- nettement  à sa  forme  arrondie. 

D’ailleurs  laprésenced’une  saillie  sphéroïdale,  en  arrière 
et  en  dehors  du  cuboïde,  ne  peut,  dans  une  altération  vio- 
lente et  subite  des  formes  du  pied,  provenir  que  du  dépla- 
cement de  la  tête  de  l’astrag'ale.  En  outre, la  tumeur  volu- 
mineuse que  cet  os  détermine  quelquefois  peut  être  si 
considérable,  qu’un  sillon  très-net  s’établit  alors  entre  elle 

et  le  bord  externe  du  pied.  Un  des  malades  dont  nous 
Du  Bourg.  2 


18  — 


publions  l’IiisLoii'e  ollre  un  exemple  si  remarquable  de  ce 
fait  que  nous  avons  cru  utile  d’en  publier  le  dessin  exé- 
cuté d’après  nature.  (PI.  I.) 

Dans  les  luxations  externes  de  l’astrag-ale,  la  malléole 
externe  se  dessine  très-apparente.  Elle  surmonte  une  ex- 
cavation anormale,  produite  par  le  déplacement  du  calca- 
néum vers  la  partie  interne.  La  malléole  interne  est 
effacée;  dans  tous  les  cas,  elle  disparaît  à peu  près  com- 
plètement. En  arrière  d’elle,  on  sent  une  saillie  osseuse 
bien  marquée.  C’est  la  petite  apophyse  du  calcanéum, 
portée  en  haut  par  le  renversement  du  talon  en  dedans. 

Mais  ici  encore  les  grands  mouvements  de  la  trochlée 
sont  parfaitement  conservés. 

Les  mouvements  de  latéralité  n’existent  plus  dans  les 
cas  ordinaires.  Cependant,  et  quoique  dans  une  faible 
mesure,  ils  peuvent  persister  actifs  et  passifs.  C’est  du 
moins  ce  que  nous  avons  pu  très-clairement  constater  chez 
le  malade  dont  je  parlais  tout  à l’heure,  et  qui  peut  tous 
les  mouvements,  ceux-ci  plus  étendus,  les  autres  plus 
limités.  Il  est  vrai  que  ce  malade,  soucieux  de  son  état, 
soumettait  son  pied  à une  g’ymnastique  fréquente. 

En  résumé,  on  est  certain  qu’une  luxation  sous-nstraga- 
lienne  existe  véritablement,  lorsqu’on  reconnaît  que  l’as- 
trag'ale,  tout  en  conservant  ses  rapports  normaux  avec  la 
mortaise  péronéo-tibiale,  a sa  tête  saillante  sous  la  peau  ; 
quelle  produit  alors  une  altération  dans  la  direction  réci- 
proque de  la  jambe  et  du  pied,  quand  1 intég*rite  des  mou- 
vements de  flexion  et  d’extension  est  conservée.  Ce  sig-ne, 
tout  fonctionnel,  est  de  la  plus  haute  importance  dans 
l’espèce,  puisque  avec  la  saillie  sous  les  parties  molles  de 
la  tête  astragalienne,  il  est  la  caractéristique  des  luxations 
que  nous  venons  d’étudier. 

Tels  sont  les  détails  dans  lesquels  nous  avons  cru  de- 
voir entrer,  avant  d’aborder  l’objet  principal  de  notre  . 


19  — 


étude.  Les  connaissances  qui  précèdent,  nous  pouvons 
désormais  les  appliquer  à la  connaissance  des  indications 
que  présentent  certains  cas  particuliers  des  luxations  sous- 
astrag’aliennes,  anciennes;  indications  spéciales,  et  comme 
nous  le  verrons,  entièrement  subordonnées  aux  conditions 
qu’elles  entraînent.  Ces  conditions  sont  tout  à fait  parti- 
culières. Elles  existent  dans  deux  états  nettement  définis  : 
les  difformités  et  les  infirmités.  Entre  eux  pas  la  moindre 
similitude,  si  l’on  s’attache  uniquement  à considérer  les 
circonstances  ultérieures,  très-éloigmées  dont  elles  s’en- 
vironnent. 


4r 


SECONDE 


PAKTIE 


Indications  que  présentent  les  luxations  sous-astra- 
galiennes  anciennes,  au  point  de  vue  des  difformités 
et  des  infirmités  qu’elles  ont  fait  naître. 


1°  Difformités.  — Quel  est  le  mode  de  traitement  que  le 
cliirurg’ien  doit  préférer  dans  les  cas  de  luxations  sous- 
astrag’aliennes,  qui  remontent  à une  époque  éloigmée?  Et 
par  luxations  anciennes,  nous  voulons  désigmer  ces  sortes 
do  cas  spéciaux,  si  l’on  peut  ainsi  dire,  qui  datent  d’un 
temps  considérable,  abandonnés  à eux-mêmes,  parce  (lue 
toutes  les  ressources  de  l’art  ont  été  épuisées.  C’est  en 
vain  qu’au  début  les  moyens  les  plus  divers,  tour  à tour 
procédés  de  douceur  et  procédés  violents,  ont  été  essayés. 
Aucune  tentative  n’a  pu  rétablir  l’astrag-ale  en  son  siég’e 
normal.  11  reste  là,  comprimant  les  parties  molles,  par- 
fois sans  dang’ers  apparents , et  parfois  menaçant  le 
malade  d’accidents  dont  on  ne  saurait  prévoir  l’issue. 

Cependant  le  malheureux  se  plaint.  11  presse  le  chirur- 
gien et  lui  réclame  l’usag’e  d’un  membre  inutile  ou  insup- 
portable. Que  faire? 

Nous  l’avons  déjà  dit,  l’état  du  malade  nous  permet 
d’examiner  la  cjuestion  à un  double  point  de  vue.  Com- 
mençons par  les  cas  les  plus  simples. 

Un  malade  s’est  donné  une  luxation  sous-astrag’alienne. 
Elle  n’a  pu  être  réduite  au  début.  Le  voilà  condamné  a 
traîner,  pendant  des  mois,  des  années,  une  existence 
pénible.  11  doit  g^arder  le  repos  le  plus  absolu,  sous  peine 
de  voii*  s’ag'g’raver  les  accidents  ([ui  le  tourmentent.  En 


1 


— 21  — 


vnin  voiidrüit-on  fju’il  sg  mGiivG.  ComiTiGnt  1g  pourrait-il  ? 
Son  piofl  Gst  dévié  do  sa  situation  normalo.  Los  différonlGs 
partiGs  c|ui  forment  sa  charpente  ont  subi  dans  leur  arran- 
gement une  altération  dont  le  premier  effet  est  l’impuis- 
sance de  la  prog’ression. 

C’est  ici  que  commençaient  les  divergences  d’opinions, 
il  y a quelques  années  à peine.  Mais  on  peut  dire  haute- 
ment que  la  chose  est,  aujourd’hui,  jugée  définitivement 
pour  la  plupart  des  cas  : dans  d’autres,  nous  le  montre- 
rons, l’expérience  a conduit  à des  conclusions  non  moins 
certaines. 

Néanmoins  la  plupart  des  auteurs  ontpassésous  silence 
les  indications  que  réclament  quelques  cas  spéciaux  ; ou 
bien  ils  y ont  passé  rapidement.  Tel  est  dumoins  le  résul- 
tat de  nos  recherches.  Car,  malgré  les  soins  les  plus  ininu- 
tieux,  c’est  à grand’peine  que  nous  avons  pu  découvrir, 
parmi  les  observations  publiées  jusqu’à  ce  jour,  deux 
seuls  faits  de  luxations  sous-astrag’aliennes  très-anciennes 
qui  se  soient  terminés  par  une  difformité.  Un  troisième, 
a été  recueilli  par  nous  dans  la  pratique  de  notre  excellent 
maître.  Qu’on  nous  permette  de  le  présenter  ici  dans  tous 
ses  détails  : 

Observation  1. 

Houet,  marchand  de  vin,  27  ans,  a servi  comme  mobile 
dans  1 armée  de  Boui'haki.  Refugiéen  Suisse  au  cours  des 
hostilités,  il  rentrait  en  France,  après  la  paix,  lorsque  le 
train  où  il  se  trouvait  heurta  un  autre  convoi.  (En  Suisse 
les  wagons  sont  accrochés  entre  eux  par  une  forte  tige 
d’acier  (trait)  solidement  fixée  aux  deux  voitures).  Dans  le 
choc,  cet  homme  fut  lancé  entre  deux  wagons  dont  le  trait 
se  hi  Isa,  saisit  son  pied  par  la  face  interne,  au  niveau  de 
la  malléole,  et  l’appliqua  contre  le  deuxième  wagon.  Ce 
ne  lut  que  deux  heures  après  l’accident  que  l’on  délivra 


Rouet,  et  quand  il  voulut  marcher,  il  ressentit  dans  lecou- 
de-pied  droit  une  douleur  tellement  vive  qu’une  syncope 
s’ensuivit. 

Le  pied  était  complètement  déformé,  très-tuméfîé.  A.  la 
face  interne  une  larg’e  blessure  produite  par  le  choc  du 


1 


ÙURZkU  Dkl 


Fig,  1.  La  jambe  et  le  pied  sont  vus  aux  trois  quarts  ; 


1.  Axe  du  tibia  et  direction  de  la  jambe. 

2.  Direction  du  cou-de-pied  de  haut  en  bas,  de  dehors  en  dedans. 

3.  Axe  du  pied. 

4.  Malléole  interne  profondément  cachée. 

5.  Petite  apophyse  du  calcanéum. 

6.  Tumeur  formée  par  la  tête  de  l’astragale  qui  soulève  les  parties  molles. 

7.  Sillon  profond  qui  sépare  cette  tumeur,  du  bord  externe  du  pied. 

8.  Cassure  du  tibia,  au  moment  de  l’accident. 

9.  Siège  de  la  fracture  du  péroné. 


trait;  une  fracture  oblique 
tibia,  à 0,05  de  la  malléole. 


de  l’extrémité  inférieure  du 
Le  péroné  était  ég’alement 


cassé  au  même  niveau.  La  partie  antéro-externe  du  dos 
du  pied  était  soulevée  par  une  g*i*osse  masse,  que  l’on  recon- 
naît formée  par  la  tête  de  l’astragale.  Le  pied  était  dans  l’at- 
titude qurnl  présente  encore aujourddiui  et  que  nous  décri- 
rons bientôt. 

Les  chirurgiens  qui  virent  Rouet  à ce  moment  décidèrent 
qu’il  fallait  amputer  la  jambe.  Mais  le  malade  s’y  refusa 
absolument,  et  il  rentra  en  France  un  mois  après  l’acci- 
dent. La  plaie  de  la  face  interne  du  pied  était  parfaitement 
cicatrisée  ; elle  avait  d’ailleurs  très-peu  suppuré.  Il  n’est 
jamais  sorti  d’esquilles. 


Fig.  II.  — Le  même  membre  vu  de  profil  : 


Tumeur  formée  par  la  tôle  de  l’astragale. 

2.  Sillon  qui  la  sépare  du  bord  externe. 

3.  Cicatrice  d’une  ancienne  plaie. 

4.  Autre  cicatrice. 

5.  Plaie  existant  actuellement  avec  fistule. 

fi.  Aucune  fracture  du  péroné  au  moment  de  l’accident. 

Rouet  resta  dans  cet  état  pendant  deux  ans  et  six  mois 
lorsque  au  mois  d’avril  dernier  (1874),  il  vint  dans  le  ser- 


vice  de  M.  le  professeur  Verneuil  demander  qu’on  le  dé- 
livrât (Vune  supjmratmn,  survenue  au  pied  depuis  quelque 
temps.  Après  un  premier  examen,  on  eng’ag’ea  Rouet  à re- 
venir. Il  ne  reparut  pas.  (16  novembre.)  Je  suis  allé  au 
domicile  du  malade,  et  voici  ce  que  j’ai  constaté.R...  jouit 
toujours  d’une  santé  excellente.  Le  cou-de-pied  est  abso- 
lument informe.  La  jambe,  l’articulation  et  le  pied  pré- 
sentent dans  leur  ensemble  une  lig’ne  brisée,  que  l’on  peut 
comparertrès-exactement  aux  anciennes  baïonnettes,  l’axe 
delà  jambe  prolong*é  tombe  en  dehors  du  pied. 

On  reconnaît  très-nettement  la  cassure  du  tibiadontles 
deux  frag’inents  se  réunissent  à angde  obtus  ouvert  en  de- 
dans. Le  péroné  porte  ég’alement  une  soudure  à 0,04“  en- 
viron de  la  malléole  ; elle  est  ang’uleuse  aussi,  ouverte  en 
dehors  ; la  malléole  externe  fait  une  saillie  volumineuse 
sous  la  peau.  Au  niveau  de  la  malléole  tibiale,  profondé- 
ment cachée,  un  lég’er  creux.  En  dehors  et  avant,  la  face 
dorsale  du  pied  est  déformée  par  une  tumeur  considérable, 
qui  soulève  les  tég'uments.  Cette  rég’ion  est  le  siég'c  d’un 
empâtement  diffus,  au  sein  duquel  on  reconnaît  facilement 
la  tête  de  l’astrag'ale,  surmontant  le  cuboïde;  l’astrag-ale 
a conservé  ses  rapports  normaux  avec  la  mortaise.  Cette 
saillie  est  nettement  séparée  du  bord  externe  du  pied  par 
un  sillon  profond.  Le  pied  repose  à plat  snv  le  sol,  de  telle 
façon  que,  le  malade  étant  debout,  on  ne  remarque  pas  la 
difformité;  le  bord  interne  est  légèrement  relevé  en  varus, 
a pointe  en  adduction. 

Mouvements . — Après  cela,  il  est  curieux  d observer  le 
peu  de  gêne  que  cet  état  du  pied  occasionne  au  malade.  Il 
ne  se  plaint  absolument  que  de  la  suppuration.  En  effet, 
cet  homme,  qui  paraît  jouir  d’une  certaine  aisonce,  vaque 
lui-même  à ses  affaires.  Il  va  à Bercy  à pied,  sans  canne, 
il  sert  ses  clients  toute  la  journée  sans  ressentir  la  moindre 


• rlouleiir.  C'est  à peine  si  quelquefois,  le  soir,  il  éprouve  un 
peu  clefatig’ue;  parfois  aussi  la  jambe  g*onfle;  mais  cette 
tuméfaction  a disparu  le  lendemain  malin.  D’ailleurs  rien 
de  constant  clans  ces  phénomènes.  Le  malade  nous  a dit 
qu’il  ferait  lentement,  mais  facilement,  deux  lieues,  sans 
appui.  Tout  cela  implique  une  certaine  intég’rité  des  mou- 
vements. En  eiïet,  le  pied  parcourt  dans  la  flexion  un  arc  de 
0,09  centim.  environ,  l’extension  est  égadement  considé- 
rable. Les  mouvements  de  latéralité  sont  faibles  et  pour- 
tant très -manifestes.  Enfin,  chez  lui,  l'adduction  et  l’abduc- 
tion sont  possibles,  quoique  très-limitées,  et  Rouet  nous  a 
raconté  que,  s’il  jouit  de  ces  avantag’es,  c’est  qu’après  avoir 
quitté  ses  béquilles  deux  mois  après  l’arrivée  de  l’accident, 
il  n’a  pas  cessé  de  soumettre  son  pied  à des  mouvements 
prolong’és  et  à uneg’ymnastique  rég’ulière  et  persévérante. 

La  puissance  des  muscles  de  la  jambe  est  parfaitement 
conservée;  nous  nous  sommes  efforcés  de  ramener  le  pied 
dans  sa  position  normale  actuelle  ^ après  l’avoir  niisen  flexion 
ou  extension;  et  la  résistance  qu’oppose  cet  homme  a été 
supérieure  à notre  force.  En  un  mot,  il  n’est  point  g’ôné 
par  sa  difformité  ; il  marche  sans  canne,  avec  un  peu  de 
varus,  mais  sans  boiter.  .T’ai  mesuré  le  pied,  qui  paraît  di- 
minué détendue  : ce  raccourcissement  n’est  qu’apparent. 
La  jambe  droite(malade)  est  à peine  plus  courte  que  l’autre 
de  0,01  cent. 


legumenU.  Au  niveau  de  lu  saillie  que  détermine  la 
tête  de  l’astrag’ale,  on  voit  une  petite  plaie  au  milieu 
de  laquelle  existe  un  trajet  fistuleux,  donnant  issue  à 
un  pus  extrêmement  fétide,  mal  lié.  Deux  trajets  an- 
ciens sont  aujourd’hui  cicatrisés.  Ces  derniers  accidents, 
les  seuls  dont  cet  homme  se  plaigme,  ne  remontent  qu’à 
seize  mois.  H raconte  que  depuis  l’accident  (22  mars  1871), 
la  peau  était  restée  très-saine,  sans  jamais  séralller,  mais 
très -tendue,  très-fine.  Lorsqu’il  y a seize  mois,  se  trouvant 


— 2ü 


avec  des  amis,  l’nn  d’eux  lui  donna  un  léger  coup  sur  la 
tumeur.  Depuis  ce  temps  la  peau  devint  violacée;  elle  s’ul- 
céra, et  du  pus  n a cessé  de  couler.  Il  y a eu  là  évidemment 
un  travail  d élimination,  facilité  par  une  mauvaise  circu- 
lation locale,  qui  s’explique  par  la  pression  que  la  tête  de 
1 astrag’ale  exerce  à ce  niveau. 

Cette  luxation  est  ancienne  ; elle  date  de  trois  ans  et  demi 
et  ne  cause  aucune  gene  au  malade.  Voilà  donc  ce  que 
l’on  peut  imaginer  comme  un  cas  type  de  diflormité. 

Nous  voilà  donc  en  présence  d’un  fait  de  luxation  sous- 
aslragalienne  bien  contirmé.  Au  début,  le  malade  refuse 
de  laisser  pratiquer  une  amputation,  qu’on  voulait  lui  faire 
subir,  probablement  l’amputation  sus-malléolaire,  dont 
nous  examinerons  la  triste  valeur. 

Ce  malade  portait,  en  outre,  une  plaie  au  côté  interne  du 
cou-de-pied.  C’était  donc  un  cas  où  pour  bon  nombre  de 
chirurgiens  il  eût  fallu  en  dernier  ressort  pratiquer,  ou 
l'extirpation  immédiate^  ou  l’amputation  sus-malléolaire. 
D’autres,  dans  ce  cas,  recommandent  l’expectation. 

Mais  la  volonté  du  malade  est  formelle.  Il  a horreur  du 
bistouri,  et  pour  ce  motif  il  repousse  énergiquement  l’in- 
tervention chirurgicale,  quel  ciu’en  soit  le  mode. 

Cependant  son  pied  est  dans  une  attitude  défectueuse, 
et  les  parties  molles  supportent  une  vive  pression,  de  la 
tête  de  l’astragale.  Or,  malgré  ces  grands  désordres,  le 
malade  ne  souffre  pas.  Il  n’est  aucunement  incommodé  par 
son  pied.  C’est  à peine  si  quelquefois,  par  suite  de  trop 
grandes  fatigues,  le  cou-de-pied  devient  œdémateux.  Mais 
le  repos  fait  disparaître  ce  gonflement;  circonstance  plus 
surprenante,  le  pied  a conservé  dès  mouvements  presque 
aussi  étendus  qu’à  l’état  normal.  Le  malade  ne  boite  nulle- 
ment. Il  marche  très-bien,  et  peut  rester  longtemps  debout, 
quoique  ayant  un  métier  très-fatigant.  A quoi  faut-il  donc  i 


avoir  recours  dans  cette  circonstance?  Faut-il  proposer  au 
malade  une  opération  dans  le  but  de  rendre  au  pied  son 
état  d’autrefois? 

Pourquoi,  dans  ces  circonstances,  je  dirais  presqueheu- 
reuses,  où  il  setrouve,  exposer  cet  homme  aux  périls  d'une 
opération  toujours  sérieuse,  mais  qui  revêt  dans  l’espèce 
un  caractère  spécial  de  g-ravité?  Ne  serait-on  pas  en  droit 
de  jeter  un  blâme  au  cbirurg-ien  qui  voudrait  intervenir 
dans  de  pareilles  conditions?  Il  est  d’ailleurs  possible  que 
l’opération  n’apporte  pas  une  modification  plus  avanta- 
g’euse. 

Nous  croyons,  nous,  que  cet  homme  peut  et  doit  rester 
dans  l’état  où  il  se  trouve  actuellement.  Depuis  trois  ans 
et  demi,  aucun  accident  ne  s’est  montré,  pas  la  moindre 
g*êne  dans  la  progression,  pas  la  plus  légère  douleur. 

Le  malade  n'est  pas  incommodé  davantage  par  la  forme 
de  son  pied,  et  la  différence  de  longueurclu  membre  sain 
d’avec  le  membre  frappé  est  à peine  digne  de  remarque, 
malgré  un  grave  traumatisme.  Il  a suffi  au.  malade  de  faire 
corriger  le  talon  seul  de  sa  chaussure,  en  le  faisant  élever 
de  0,005  millimètres.  Encore  une  fois,  pour  tous  ces  motifs 
nous  croyons  que  c est  là  un  cas  où  il  faut  absolument 
s’interdire  l’intervention. 

Mais,  au  contraire,  l’occasion  se  présente  de  recourir 
aux  moyens  artificiels,  aux  appareils  prothétiques,  des- 
tines a 1 endre  ici  les  plus  g’rands  services.  Et  l’exemple 
précédent  nous  prouve  leur  utilité,  puisque  avec  une  légère 
différence  dans  ses  chaussures,  cet  homme  peut  marcher 
sans  bâton,  sans  appui  d’aucune  sorte. 

Cet  exemple  suffirait  donc  à légitimer  notre  manière  de 
voir,  c’est-à-dire  qu’il  se  présente  au  chirurgien  des  états 
de  luxations  sous-astragaliennes;  états  spéciaux,  dans  les- 
quels les  phénomènes  pathologiques,  capables  d’entraver 
les  fonctions  du  pied,  font  absolument  défaut,  et  affirmen 


— 28  ~ 


hautement  cette  loi  encore  si  discutée  de  la  non-intervei> 
tiou.  Mais  ajoutons  que  les  faits  de  cet  ordre  ne  sont  pas 
très-fréquents. 

De  cette  étude  il  ressort  deux  circonstances  importantes. 
D’abord,  nous  voyons  un  homme  porteur  d’une  luxation 
soLis-astrag'alienne  très-ancienne  (datant  de  trois  ans  et 
demi),  n’éprouver  aucun  accident,  aucune  gène  de  son 
état. 

Bien  mieux,  cet  homme  a réussi  à rendre  à son  pied  des 
mouvements  actifs  très-puissants,  sa  solidité  ancienne;  et, 
en  faisant  subir  quelques  modifleations  à sa  chaussure,  il 
a pu  reprendre  l’usag’e  de  son  membre,  presque  comme 
avant  l’accident. 

Maig’aigme  (1)  rapporle  deux  faits  qui  ne  sont  pas  sans 
quelque  analogie  avec  l’observation  première  de  cette 
étude. 

Observation  11. 

Dans  un  cas  de  Thorpe,  cité  par  Turner  (2),  une 
luxation  sous-astragalienne  ne  put  être  réduite.  Mais 
dans  la  suite  il  n’en  resta  d’autre  incommodité  que  la  sail- 
lie de  la  tète  de  l’astragale. 

Dans  le  meme  ouvrage  de  Malgaigne  (3)  je  trouve  encore 
le  fait  suivant  : 

Observation  III. 

Un  jeune  homme  de  22  ans,  à la  suite  d une  chute 
sur  le  pied , eut  l’astragale  luxé  en  avant;  la  tête  faisait 
saillie  sous  la  peau.  L’avant-pied  paraissait  raccourci,  le 
talon  allong’é.  Te  pied  était  dans  1 extension,  sans  dévia- 
tion d’aucune  espèce.  La  réduction  ayant  été  impossible, 

(1)  Malgaigne.  Traité  desFract.  et  Lux.  T.  II. 

(2)  Turner. 

(3)  Malga  Igné.  Loc.  cit. 


— 29  — 


M.  Thierry  appliqua  un  appareil  destiné  à redresser  le  pied  . 
Il  n'Y  eut  pas  d’accidents,  et  à la  long-ue  la  marche  sef- 
lectua  sans  douleur  ni  elaudioation.  (Fad  de  Iluerry,  coin 

municpié  à Malgaigne  par  M . Broca.)  _ 

Enfin  Malgaigne  donne  encore  1 observation  suivante  . 


Observation  IV. 

Un  sujet  se  üt  une  luxation  sous-astrag’alienne  ; elle 
avait  été  à peu  près  abandonnée  à elle-même.  ^ Six 
semaines  après,  le  malade  marchait  avec  des  béquilles. 

11  les  quitta  pour  un  bâton  au  bout  d un  an,  hormis 

pour  des  courses  trop  long’ues. 

Malgaigme  le  revit  treize  ans  après  son  aceident.  Le  pied 
porté  en  dehors  était  Irès-aplati  ; mais  le  sujet  appuyait 
sur  toute  la  plante,  presque  eomme  avec  le  pied  sain.  Il 
avait  conservé  quelques  mouvements  à.Q  flexion  et  d ad- 
duction, qui  se  passaient  dans  1 articulation  calcanéo- 
cuboïdienne.  La  jambe  était  raccourcie  de  0,02  eontimè- 
tres.  Il  portait  une  chaussure  à talon  un  peu  élevé,  non 
pas  cependant  ég’al  au  raccourcissement  ; ear  il  avait 
observé  que  cela  exposait  le  pied  a tourner.  Mais  le  malade 
avait  g*uéri. 

Dans  tous  ces  cas  nous  voyons  une  persistance  de  dif- 
formités, corrig’ées  par  des  appareils  prothétiques  les  plus 
simples.  Ce  sont  assurément  des  eas  sing-uliers,  mais  des 
plus  heureux,  de  terminaison  d’une  luxation  sous-astra- 
g-alienne  très-ancienne.  Mais  ne  voyons-nous  pas  ehaque 
jour  les  chirurgiens  reehercher  ce  mode  de  terminaison, 
lorsque  toutes  les  autres  ressourees  ont  éehoué  ? 

Si  l’on  examine  le  peu  de  fond  qu’il  y a à faire  sur  les 
moyens  thérapeutiques,  quand  il  s’agit,  par  exemple, 
d’une  lésion  org’anique  des  articulations,  on  doit  encore 
s’estimer  fort  heureux  de  voir  la  maladie  n’aboutir  qu’à 


— so- 


nne difTormif.é  et  de  pouvoir  ainsi,  ou  par  la  prothèse, 
eonserver  Ihisag'e  d’un  membre  défectueux  il  est  vrai, 
mais  toujours  supérieur  à un  membre  tronqué.  Nul  ne 
song’e  à contester  cela.  C’est  là  un  des  plus  beaux  résul- 
tats qu’ait  obtenus  la  chirurg*ie  conservatrice,  à la  défense 
de  laquelle  Bonnet,  de  Lyon,  a immortalisé  son  nom.  Qui 
donc  oserait,  aujourd’hui,  s’élever  contre  les  préceptes  si 
heureux  dans  les  résultats  qu’ils  donnent,  et  que  ce  g-rand 
chirurg-ien  préconisait  il  a plus  de  trente  ans  ; V immobilité 
du  membre^QisQi  position  méthodique  dans  les  lésions  articu- 
laires. 

Et  pourtant  ce  prog*rès,  l’un  des  plus  remarquables  de 
la  chirurg'ie  moderne,  n’aboutit  souvent  qu’à  une  diffor- 
mité rég’lée,  ankylosé  du  g-enou,  de  la  hanche,  etc. 

Les  faits  que  nous  venons  d’examiner  appartiennent  au 
même  ordre.  Ils  rentrent  dans  cette  classe  de  lésions  que 
la  chirurg'ie  conservatrice  croit  ne  relever  que  d’elle  seule. 
Mais  les  faits  dont  on  pourrait  espérer  une  telle  fin  sont 
bien  rares.  Il  suffit  pourtant  qu’il  en  existe  pour  montrer 
que  les  luxations  souS”astrag*aliennes  peuvent  g’uérir, 
alors  qu’on  n’a  pu  en  obtenir  la  réduction,  qu’on  les 
abandonnait  à la  nature.  Nous  croyons  donc,  avec  M.  le 
professeur  Verneuil,  qu’il  faut  respecter  les  cas  de  cet 
ordre  et  se  défendre  rig*oureusement  d’intervenir  par  une 
opération,  dont  on  ne  saurait  prévoir  les  résultats,  quelque 
succès  qu’elle  promette. 

Entre  les  faits  de  ce  g-enre  et  ceux  où  la  chirurg’ie  est 
oblig'ée  de  suivre  son  cours,  on  peut  rang*er  une  autre 
catég*orie  de  faits  qui  se  rattachent  par  certains  côtés  à 
notre  première  catég’orie  (difformités),  mais  qui  ressortissent 
ég'alement  aux  faits  g-raves,  par  l’existence  de  quelques 
phénomènes patholog'iques (infirmités).  Quelques  faits  ont 
été  mentionnés,  mais  il  ne  nous  a pas  été  possible  de  les 
retrouver.  Goniraint  d’en  parler  peur  compléter  notre 


— 31  — 

éliifie,  nous  reg’rettons  vivement  cie  ne  pouvoir  les  citer... 
Réservons  pour  les  examiner  en  dernier  lieu  les  circon- 
stances cjui  viennent  ag’g’raver  les  luxations  sous-asti ag’a- 
tiennes  très-anciennes. 

On  a vu  des  cas  où  ces  luxations  développaient  long*- 
temps  après  leur  début  une  g’cne  plus  ou  moins  considé- 
rable des  fonctions  du  membre  pelvien.  Les  malades  pou- 
vaient marcher,  mais  ils  se  trouvaient  promptement  dans 
la  nécessité  de  suspendre  leur  marche.  Leur  pied  devenait 
douloureux;  il  se  produisait  quelquefois  une  tuméfaction 
considérable.  Ou  bien  c’étaient  des  douleurs  plus  intenses, 
un  eng’ourdissement  que,  seul.  Je  repos  faisait  disparaître. 
Que  faire  dans  de  telles  circonstances? 

Ici  encore  les  indications  varient  suivant  la  nature 
des  phénomènes  patbolog’iques  accusés  par  le  malade. 
Quelquefois  ces  accidents  ne  se  montrent  que  par  inter- 
valles plus  ou  moins  rapprochés  et  dont  la  production  est 
tout  à fait  dépendante  du  malade  qui  les  provoque  par  la 
marche,  etc.  D’autres  fois  c’est  un  état  perpétuel  de  g’êne 
et  de  souffrances  qui  ne  tardent  pas  à épuiser  l’énerg'ie 
du  patient.  Il  désire  l’ablation  d’un  membre  sans  utilité, 
et  qui  n’est  pour  lui  qu’une  source  d’accidents,  une  cause 
d’immobilité  qui  calme  à peine  les  douleurs. 

Nous  avons  vu,  il  n’y  a qu’un  instant,  que  la  réduction 
des  luxations  sous-astrag’aliennes  est  quelquefois  impos- 
sible, et  qu’on  a dû  les  abandonner  à elles-mêmes.  I..es  ob- 
servations que  nous  avons  publiées  précédemment,  nous 
enseigment  ce  fait.  Mais,  en  revanche,  ces  faits  et  d’autres 
encore,  nous  démontrent  d’une  manière  très-évidente  que 
1 abandon  de  ces  luxations  à la  nature,  n’entraîne  pas  fata- 
lement les  désordres  g*raves  que  l’on  a sig*nalés  dans 
d antres  circonstances.  La  g’angTène  des  parties  molles, 
qu  on  observe  souvent,  n’est  pas  la  suite  oblig*ée  des  dépla- 
cements anciens.  Mais,  même  en  admettant  que  la  persis- 


32  — 


Lance  du  déplacement  soit  la  source  d'une  infinité  d'acci- 
dents plus  ou  moins  g^raves,  faut-il  dans  tous  ces  cas 
opérer?  Nous  ne  pourrions,  sans  nous  répéter,  parler  de  la 
gTavité  d’une  extirpation  meme  tardive,  ou  d’une  ampu- 
tation qui  est  plus  dang’ereuse  encore.  Nous  sommes  per- 
suadé, en  effet,  qu’il  reste  encore  quelque  chose  à faire 
avant  de  s'armer  du  bistouri,  et  nous  résdrverons  ce 
moyen  pour  les  cas  rebelles,  bien  déterminés,  qui  forment  \ 
seuls  une  catég’orie  distincte  des  faits  auxquels  nous  fai-  | 
sons  allusion. 

C'est  ici  que  la  prothèse  est  destinée  à rendre  de  véri- 
tables services.  Car,  après  le  deg’ré  de  perfection  que  l'art  j 
prothétique  a atteint,  on  est  en  droit  d'en  espérer  les  plus 
g’rands  avantag’es.  Nous  croyons  qu'il  serait  imprudent 
de  recourir  de  prime  abord  aux  moyens  cbirurg’icaux. 

Et  c’est  précisément  lorsqu’un  malade  est  frappé  d'une 
luxation  déjà  ancienne,  lorsque  l'irréductibilité  est  absolue, 
lorsque  les  fonctions  sont  devenues  pénibles  ou  presque 
impossibles,  qu’il  convient  d’essayer  des  moyens  prothé- 
tiques. Si,  comme  nous  l’avons  constaté,  les  fonctions  du 
membre,  la  marche  presque  normale,  ont  pu  être  rendues 
au  malade,  à plus  forte  raison  doit-on  chercher  le  secours 
de  la  prothèse  pour  ces  cas  anciens  et  où  la  marche  ne  peut 
se  faire  qu’avec  des  appuis.  C'est  ce  que  l’on  à réalisé  par 
trois  ordres  de  moyens  : 

1°  Certains  appareils  s’adaptent  à toute  l’étendue  du 
membre  inférieur,  et  prennent  un  point  d’appui  sur 
l'ischion. 

2°  D’autres  appareils,  moins  volumineux  et  moins  com- 
pliqués, n’embrassent  que  le  g’enou. 

3"  Enfin  il  en  est  qui  ne  s’appliquent  absolument  qu’au 
cou-de-pied.  Nous  en  avons  trouvé  un  exemple  dans  l'ob- 
servation lY.  On  ne  nous  demandera  pas,  sans  doute,  de 
décrire  ces  divers  appareils,  dont  la  disposition  est  subor-  , 


donnée  aux  circonstances  individuelles  du  malade.  Mais  il 
n’est  pas  indifférent  pour  nous  de  montrer  que  tous  ne 
peuvent  convenir  àtous  les  cas.  Il  faut  savoir  que  tel  appa- 
reil convient  à des  circonstances  déterminées  , et  seule- 
ment à celles-là  : les  autres,  dans  les  memes  états,  pou- 
vant être  plus  nuisibles  que  secourables. 

Lorsque  nous  avons  donné  l’observation  nous  avons 
à dessein  sigmalé  un  détail  qui,  au  premier  abord,  pou- 
vant paraître  insig-nifiant;  nous  voulons  parler  de  la  diffé- 
rence de  long’ueur  des  membres  que  produisent  les  luxa- 
tions. Chez  le  malade  de  l’observation  î,  le  raceourcisse- 
ment  est  si  peu  accusé,  qu’il  a suffi  à cet  homme  d’élever 
à peine  de  0,005  millimètres  le  talon  eorrespondant  de  sa 
chaussure,  pour  rétablir  l’équilibre  entre  les  deux  articu- 
tions  coxo-fémorales.  Mais  le  fait  le  plus  important  n^’est 
pas  là,  il  réside,  au  contraire,  dans  l’amélioration  que  cet 
homme  a su  apporter  à un  membre  défectueux,  difforme. 
Lamarche,  qui  est  gênée,  mais  non  point  diffieile  lorsque 
le  malade  est  nu-pied,  la  marche  devient  pour  ainsi  dire 
normale  quand  le  malade  a chaussé  son  appareil,  car  son 
soulier,  façonné  à la  forme  actuelle  du  pied,  constitue 
vraiment  un  appareil. 

Tel  est  donc  le  moyen,  facile  entre  tous,  qui  convient 
aux  variétés  de  cas  analogues.  Mais  hâtons- nous  d'’avouer 
que  ce  moyen  si  simple  trouve  rarement  son  application, 
en  raison  même  de  la  rareté  de  tels  cas.  Il  faut,  pour  satis- 
faire à son  indication,  le  eoncours  d’une  multitude  de  cir- 
constances. Parmi  elles,  la  plus  importante,  la  plus  indis- 
pensable, cellequi  domine  toutes  les  autres,  c’estPabsence 
complète  de  g’êne  de  toute  nature,  quand  le  malade  appuie 
son  pied  à terre.  Il  faut,  si  l’on  peut  ainsi  dire,  que  le  ma- 
lade soit  à peine  incommodé  de  marcher  les  pieds  nus 


Du  Bourg. 


3 


— 34  — 


afin  que  son  appareil  lui  soit  vraiment  utile  et  qu"il  soit 
capable  de  rélablir  l’usag'e  du  membre  presque  à Tég’al  de 
l’état  normal. 

II 

Mais  il  est  d’autres  circonstances  où  le  malade  ne  saurait 
pied  sur  le  sol.  La  moindre  pression  y déter- 
mine alors  des  fourmillements  ag*açants,  et  le  plus  souvent 
une  douleur  plus  ou  moins  vive,  réveillée  surtout  par  la 
station  debout  et  siégeant  au  niveau  du  calcanéum.  Cette 
douleur  s’irradie  vers  la  jambe  et  dans  toute  l’étendue  du 
pied  ; si  bien  que  le  malade  se  garde  prudemment  de 
marcher,  conjurant  ainsi  le  retour  de  ses  souffrances. 
On  ne  saurait  donc,  dans  le  cas  actuel,  recommander 
l’usag’e  du  soulier,  uniquement  destiné  à corriger  une 
position  vicieuse  et  à faciliter  la  marche. 

Il  faut  donc  nécessairement  recourir  à un  autre  appa- 
reil d’un  autre  ordre.  11  y en  a deux  espèces.  Les  uns 
s’appliquent  au  genou,  les  autres  se  substituent  au  mem- 
bre tout  entier  ; ces  derniers  prennent  leur  point  d’appui 
sur  l’ischion. 

L’appareil  destiné  à être  appliqué  au  g’enou  représente 
assez  exactement  un  pilon ^ dont  il  porte  d’ailleurs  le  nom. 
L’une  de  ses  extrémités  est  élargie  en  cupule,  qui  emboî- 
tera le  genou.  Elle  est  g’arnie  de  coussinets,  dont  l’unique 
rôle  est  de  prévenir  les  accidents  que  la  pression  de  l’ap- 
pareil pourrait  faire  naître  dans  l’articulation  fémoro- 
tibiale. 

Quand  le  malade  veut  marcher  avec  cet  appareil,  il 
courbe  son  membre  presque  à angle  droit  ; puis  il  fixe 
l’appareil  et  le  membre  dans  cette  position.  Cette  situa- 
tion convient  non-seulement  lorsque  le  pied  ne  peut  s’ap- 
puyer à terre,  mais  dans  quelques  circonstances  il  suffît 
à faire  disparaître  presque  subitement  l'état  douloureux 


- 35  ~ 

que  provoque  la  seule  verticalité  de  la  jambe,  que  le  ma- 
lade soit  assis  ou  debout.  Loin  de  nous  cependant  de 
croire  que  cet  appareil  soit  parfait.  Si  quelquefois,  dans 
certains  cas  donnés,  son  utilité  est  incontestalile,  les  daii- 
o’ers  dont  il  menace  le  membre  ne  doivent  le  faire  choisir 

O 

que  quand  il  n’y  a pas  mieux  à trouver. 

Il  est  possible,  en  effet,  qu’à  la  suite  d’un  long*  usage 
il  survienne  de  graves  complications,  telles  qu’une  roi- 
deur  lente  de  l’articulation  fémoro-tibiale  consécutive  à 
la  pression  qu’elle  supporte;  une  position  vicieuse  du 
membre  nous  paraît  encore  po'uvoir  provenir  d’une  ré- 
traction musculaire  lente  à se  produite,  il  est  vrai,  mais 
qu’il  ne  serait  pas  impossible  d’observer. 

ni 

Enfin  on  a imag’iné  un  troisième  modèle  d’appareil 
prothétique,  destiné  aux  malades  qui  ne  peuvent  suppor- 
ter ni  le  premier  que  nous  avons  mentionné,  ni  surtout 
celui  qui  s’adapte  au  genou.  Ce  troisième  modèle,  d’ail- 
leurs fort  ingénieux,  est  constitué  par  une  jambe  artifi- 
cielle, à pièces  mobiles,  articulaires,  et  en  tout  semblable 
à ces  jambes  que  l’on  fait  prendre  aux  amputés  de  cuisse 
el  quelquefois  de  la  jambe.  11  offre  des  avantages  incontes- 
tables sur  les  deux  autres,  en  ce  qu'il  ne  prend  aucun 
point  d’appui  sur  le  membre  malade,  mais  uniquement 
sur  l’ischion.  Il  évite  ainsi  à ce  membre  une  fatigue  pré- 
coce en  le  soustrayant  à la  nécessité  de  prendre  une  part 
active  à la  progression. 

Tels  senties  remarquables  avantag’es  que  nous  présen- 
tent les  appareils  prothétiques  dans  le  traitement  des  luxa- 
tions sons-astragaliennes  anciennes.  S’ils  ne  peuvent  suf- 
fire à tous  les  cas  et  accroître  le  nombre  des  guérisons  , 
ils  sont  néanmoins  fort  au-dessus  encore  des  autres 


— 36  ~ 


moyens  cJiiriirg’icaux  : unipuLalion,  résecLions  partielles, 
ou  extirpation,  quelque  nombreux  d’ailleurs  que  soient 
les  succès  fournis  par  ees  opérations. 

Nous  venons  de  faire  entrevoir  que  les  appareils  prothé- 
tiques et  les  divers  moyens  artificiels  sont,  parfois,  fort 
éloig’nés  de  donner  des  résultats  satisfaisants.  C’est  qu’en 
effet  il  se  présente  des  cas  où  non-seulement  ils  échouent 
complètement,  malg’ré  la  variété  et  le  nombre  des  essais, 
mais  dans  quelques-uns  ils  ne  font  peut-être  qu’ag’g'raver 
la  situation.  Si  les  faits  que  nous  avons  étudiés  jusqu’ici 
ont  une  certaine  rareté,  il  n’en  est  plus  de  même  de  ceux 
que  nous  allons  examiner  à présent. 

IV 

Lorsque  nous  avons  passé  en  revue  les  déformations 
auxquelles  donnent  lieu  les  luxations  sous-astrag’aliennes, 
nous  avons  cru  devoir  g*arder  le  silence  sur  les  accidents 
sérieux  qu’elles  entraînent  à leur  suite,  dans  un  terme- 
plus  ou  moins  éloig'iié.  Jusqu’ici,  en  effet,  nous  ne  nous 
sommes  occupé  que  des  difformités  et  de  leurs  indications. 
Mais  il  estdes  circonstances  où  les  luxations  sous-astrag'a- 
liennes  commandent  l’intervention  chirurgicale.  Ce  sont 
ces  circonstances  qui  forment  notre  troisième  catég’orie  : 
les  infirmités.  Et  il  nous  a paru  plus  juste  déplacer  immé- 
diatement avant  leurs  indications  l’histoire  des  accidents 
consécutifs  survenant  à long’ue  échéance. 

Lorsqu’une  luxation  sous-astrag’alienne  est  établie,  les 
conséquences  immédiates  de  sa  formation  sont  : \e,  refou- 
lement des  parties  molles  périphériques  par  la  tète  de 
l’astrag’ale  \ \di  compression  que  cet  os  exerce  sur  \üi,peaii, 
sur  les  tendons,  sur  les  vaisseaux  et  sur  les  nerfs.  Enfin  une 
fracture  de  l’astrag’ale  (col),  la  cassure  des  malléoles  ou  du 
tibia  et  du  péi’oné  à des  hauteurs  variables  constituent 


— 37  — 

des  phénomènes  contemporains  de  la  luxation  ; tous  phé- 
nomènes c[ui  dépendent  de  son  déplacement. 

Mais  nous  n’avons  à examiner  ici  que  les  accidents  sur- 
venus à une  époque  déjà  eloig’nee  de  1 heure  de  ces  déla- 
brements 5 déjà  des  mois,  des  années,  se  sont  écoulés.  Dans 
de  pareilles  conditions,  un  malade  difforme,  indemne  de 
tout  accident,  est  une  heureuse,  mais  trop  rare  excep- 
tion. Aux  trois  faits  connus  nous  en  avons  ajouté  un 
quatrième  précédemment. 

Ordinairement,  après  un  temps  variable,  la  peau  qui 
coiffe  la  tête  astrag’alienne  est  devenue  plus  brune,  plus 
foncée.  Elle  prend  une  couleur  violacée  dans  toute  l’éten- 
due ou  par  places:  c’est  assurément  un  indice  de  circula- 
tion défectueuse.  Le  mauvais  état  de  nutrition  de  cette 
partie  du  tégaiment  ne  tarde  pas  à manifester  son  effet. 
C’est  alors  que,  par  la  moindre  cause,  et  quelquefois 
même  sans  qu’on  puisse  deviner  pourquoi,  la  peau  se 
mortifie,  une  eschare  tombe  et  laisse  à découvert  différents 
org’anes,  suivant  la  profondeur  que  le  sphacèle  a atteinte. 

Dans  les  cas  ordinaires,  cette  g’ang’rène  a détruit  toute 
l’épaisseur  des  parties  molles,  de  telle  sorte  que  les  os  du 
tarse  ou  du  moins  l’astrag’ale  sont  mis  à nu.  Ils  devien- 
nent le  siège  d’une  continuelle  exfoliation.  Le  danger  est 
.grande  car  l’articulation  du  cou-de-pied,  l’une  des  plus 
vastes,  est  ouverte  ; exposée  à l’inffuence  de  l’air,  elle 
peut  devenir  le  foyer  d’une  suppuration  désastreuse.  Mais 
il  n’en  est  pas  toujours  ainsi.  Dupuytren  cite  un  cas  où 
la  gangrène  n’envahit  que  la  peau  seule.  (Dupuytren,  Le- 
çons orales.)W  n’est  pas  nécessaire  d’insister  plus  long’ement 
sur  ces  sortes  d’accidents,  et  dont  tout  le  monde  connaît 
les  dangers  auxquels  expose  l’ouverture  d’une  articula- 
tion, surtout  quand  elle  est  aussi  large. 

Parmi  les  complications  qui  peuvent  provenir  de  la  com- 
pression des  parties  molles  par  la  tête  de  l’astragale,  il 


38  - 


füut  rappGler  celles  f[iii  surviennent  après  le  refoulement 
des  tendons.  Leur  rupture,  leur  sphacèle  sont  possibles. 
Lorsque  la  luxation  appartient  à la  variété  des  sous-astra- 
g’aliennes,  l’action  de  l’astrag’ule  sur  les  tendons  voisins 
est  pour  ainsi  dire  nécessaire  ; dans  la  variété  interne^  l’ac- 
tion de  ces  os  s’exerce  surtout  sur  l’extenseur  commun 
des  orteils.  A ce  moment,  l’extension  libre  des  phalang*es 
est  à peu  près  impossible,  ainsi  que  leur  élévation.  La 
flexion  active  du.  pied  est  encore  tout  à fait  possible,  mais 
elle  est  quelquefois  assez  limitée.  En  même  temps  les  or- 
teils sont  portés  en  dehors,  et  comme  l’action  de  l’exten- 
seur commun  s’exerce  secondairement  sur  le  pied  pour 
le  fléchir,  le  bord  externe  de  celui-ci  se  porte  en  valg*us; 
eet  état  devient  permanent  si  la  luxation  est  irréduc- 
tible. Il  est  possible  enfin  que  la  violence  de  propulsion  ait 
déchiré  les  tendons  du  premier  coup,  au  lieu  de  les  refou- 
ler simplement. 

Dans  la  variété  des  sous-astrag*aliennes  en  dehors,  deux 
muscles  surtout  sont  atteints.  C’est  d’abord  le  pédieux.  Il 
est  déchiré,  car  l’aponévrose  dorsale  du  pied  est  toujours 
rompue.  Mais  les  principaux  accidents  portent  sur  le  jam- 
bier  postérieur  et  sur  les  péroniers. 

Le  jambier  postérieur  est  atteint  par  la  déviation  de  l’as- 
trag’ale,  au  moment  où  il  se  réfléchit  sous  le  tubercule 
interne  du  scaphoïde.  Voilà  pourquoi,  à la  suite  de  son 
soulèvement,  l’adduction  du  pied  et  sa  rotation  ne  peu- 
vent plus  être  exécutées  par  ces  malades.  Voilà  pourquoi 
le  bord  interne  du  pied  est  ordinairement  relevé  en  varus, 

l’avant- pied  dévié  en  dedans. 

Enfin  on  aég*alement  noté  le  déplacement  des  péroniers 
sur  la  partie  postérieure  du  col  de  l’astrag'ale,  dans  un 
cas  de  luxation  sous-astrag’alienne  en  dehors  (observation 
de  M.  Després,  Bull,  de  la  Soc.  de  chir.,  3'  série,  t.  1, 
Paris,  1872). 


39  - 

Dgs  désordrGS  d’uiiG  autre  nature  peuvent  etre  l6  re 
sultat  de  ces  luxations.  Nous  avons  déjà  fait  allusion  aux 
troubles  que  peut  éprouver  la  circulation  quand  nous 
avons  examiné  les  accidents  dont  la  peau  est  le  siég*e.  Il 
arrive  quelquefois,  en  effet,  que  1 artere  tibiale  postérieure 
est  comprimée  ou  déchirée  j il  en  est  de  meme  de  1 ante- 
rieure. Et  pourtant  les  conséquences  qui  sembleraient 
devoir  suivre  cet  accident  ne  sont  pas  mentionnées , on 
n’a  jamais  observé,  à leur  suite,  lesphacèle  en  masse  du 
pied;  mais  presque  toutes  témoig*nent  d un  vice  de  nutri- 
tion plus  ou  moins  accusé  dans  le  membre  qui  a subi  le 
traumatisme. 

Là  ne  se  bornent  pas  les  effets  de  compression.  Ils  peu- 
vent porter  sur  les  faisceaux  nerveux.  C’est  principale- 
ment le  nerf  tibial  postérieur  qui  subit  cette  pression.  Sa 
situation,  en  effet,  lui  donne  la  triste  priorité.  Cette  com- 
pression est  pour  le  malade  une  source  d’accidents  dont 
la  douleur  est  la  manifestation  principale.  Parfois  c’est  ’ 
une  douleur  vag*ue , profonde,  qui  cesse  par  intervalles 
et  revient  chaque  fois  que  le  malade  veut  faire  u.sag’e  de 
son  membre.  Parfois  c’est  une  douleur  d’une  telle  inten- 
sité, qu’elle  arrache  au  malade  des  cris  continuels.  Ces 
souffrances  enfin  peuvent  persister  sans  laisser  au  malade 
aucun  intervalle  de  repos.  Aucun  moyen  ne  lui  peut  four- 
nir de  soulag-ement  ; il  réclame  à g’rands  cris  qu’on  le  dé- 
livre d’un  membre  qui  à l’inutilité  ajoute  des  tortures  in- 
tolérables. C’est  dans  un  cas  de  ce  g’enre,  dont  je  vais 
donner  la  relation , qu’aucun  moyen  ne  pût  rendre  la 
tranquillité  au  malade  ; ni  les  massag’es,  ni  les  débride- 
ments,  ni  une  résection  (très-minime),  ni  un  appareil  pro- 
thétique n’ont  pu  mettre  un  terme  à une  douleur  qui  née 
avec  la  luxation,  a persisté  pendant  treize  mois,  pour  ne 
finir  qu  avec  l’extirpation  de  l’astrag'ale.  En  effet,  chaque 
fois  que  le  malade  appliquait  son  appareil  (c’était  un  pilon), 


40  — 


il  ressentait  des  douleurs  plus  vives  encore  que  quand  il 
avait  la  jambe  libre.  C’était  donc  un  cas  où  l’appareil,  au 
lieu  d’être  utile,  ag*g*ravait,  à vrai  dire,  la  situation. 

Telles  sont  en  peu  de  mots  les  suites  éloig-nées  possibles 
que  peuvent  amener  les  luxations  sous-astrag’aliennes , 
restées  irréductibles  après  tous  les  efforts  pour  y remédier. 
Qu’il  y a loin,  de  ces  états,  pour  ainsi  dire  bénins,  que 
nous  étudions  plus  haut,  aux  cas  qui  se  présentent  dans 
les  conditions  nctuellement  en  vue.  Et  si,  auparavant,  la 
situation  du  malade  prescrivait  impérieusement  de  pré- 
férer aux  moyens  chirurg*icaux  l’application  des  moyens 
parfois  vraiment  heureux  ici,  que  faudra-t-il  faire?  Et,  s’il 
faut  une  opération,  à quel  g*enre  le  chirurgnen  devra-t-il 
donner  la  préférence  ? 

Les  moyens  curatifs  sont  multiples  assurément,  mais 
ils  sont  loin  de  g’arantir  ég^alement  la  sécurité  présente  et 
les  avantag’es  pour  l’avenir.  Nous  nous  proposons  donc 
d’examiner  maintenant  l’un  d’eux,  V extirpation  de  l’astra- 
g’ale,  appliquée  aux  infirmités  que' développent  les  luxa- 
tions sous-astragaliennes  anciennes.  C’est  à cette  méthode, 
justement  appelée  tardive^  que  mon  excellent  maître,  M.  le 
professeur  Verneuil,  n'hésite  pas  à donner  la  préférence 
dans  les  conditions  que  nous  avons  établies.  Nous  espérons 
montrer,  surtout  par  des  exemples,  que  cette  préférence 
est  juste  et  méritée.  Car  le  succès  de  l’opération  a été  com- 
plet. D’ailleurs,  quelques  circonstances  que  l’on  envisage, 
c’est  encore  Y extirpation  tardive  qui  a réuni  les  plus  nom- 
breux succès,  triomphé  des  cas  les  plus  rebelles,  les  plus 
gTaves.  Mais  les  exig’ences  de  notre  travail  nous  ont 
oblig'é  à une  grande  sobriété  ; et  nous  avons  du,  parmi 
les  faits  publiés  d’extirpations  tardives  de  l’astragale,  ne 
choisir  absolument  que  les  faits  analogues  à ceux  qui  ont 
inspiré  cette  étude.  On  nous  pardonnera  de  détailler  l’ob- 
servation que  nous  avons  recueillie  dans  le  service  de  no- 


tre  maître  ; nous  terminerons  notre  étude  par  les  autres 
faits  que  nous  devons  à l’extrême  oblig’eance  de  M.  Broca. 


Observation  V. 

(Service  de  M.  le  professeur  Verneuil.) 


Duhaut  (Louis),  âg’é  de  53  ans,  ferblantier,  est  entré  à 
riiôpital  de  la  Pitié,  dans  la  salle  Saint-Louis,  lit  n°  55. — 
(Personnelle). 

Luxation  sous-astrag’alienne  en  dedans,  avec  déchirure 
des  parties  molles  au  niveau  de  la  tête  de  l’astragale,  qui 
fait  issue  en  dehors.  Fracture  du  péroné.  Pied  droit. 


Firj.  ;î  (avant  l’opération'. 

1.  Tumeur  formée  par  l’astragale. 

2.  Cicatrice  ancienne. 

:i.  Plaie  avec  fistule  profonde. 
h.  Trajet  fistuleux. 


• Homme  fort,  très-robuste,  pas  d’antécédents  patliolo- 
ffiques.  Il  y a deux  ans,  décembre  1871 , comme  il  descell- 
ait un  escalier,  il  g-lissa.  En  cherchant  à se  retenir,  la 
pointe  du  pied  s'arcboula  contre  la  saillie  d’une  marebe. 


— 42  - 


Le  malade  tomba;  mais  s’étant  relevé,  il  ne  put  s’appuyer 
sur  son  pied,  qui  se  renversa  en  dehors,  et  il  retomba. 
Obligé  de  se  coucher,  il  vit  bientôt  le  cou-de-pied  gonfler 
considérablement.  Ce  ne  fut  que  trois  jours  après  que  le 
malade  envoya  chercher  un  médecin  ; on  fit  des  tentatives 
de  réduction  restées  inutiles;  on  prescrivit  des  compresses 
résolutives’;  au  cinquième  jour,  appareil  inamovible. 

Douze  jours  après,  le  malade  ressentit  dans  le  pied,  des 
douleurs  tellement  violentes,  qu’on  dut  lever  l’appareil. 


Fig.  4 (après  l’opération). 

1 . Cicatrice  de  l’incision  faite  au  moment  de  l’opération. 

On  vit  alors  très -nettement  la  tête  de  1 astrag*ale  qui 
s’était  fait  jour  à travers  les  téguments  déchirés  au  niveau 
du  bord  interne  du  pied;  sur-le-champ,  on  résèque  la 
portion  extérieure  de  cet  os;  mais,  à dater  de  ce  moment, 
la  plaie  faite  par  l’issue  de  l’astragale  ne  s’est  jamais  cica- 
trisée . 

Le  malade  garda  le  lit  pendant  treize  mois.  On  1 ui  applique 
alors  un  pilon,  et  il  peut  reprendre  son  travail.  - Cepen- 
dant les  douleurs  du  pied  ne  cessaient  pas  ; accrues  par  la 
marche  et  les  plus  légers  mouvements  du  malade,  elles 
diminuaient  à peine  d’intensité  la  nuit.  Le  joui,  ® P® 
enflait  rapidement  aussitôt  que  le  malade  commençait  a se 


— 43  — 

mouvoir;  mais  ce  g’onflement  disparaissait  promptement 
la  nuit  quand  le  malade  était  couché.  ^ ^ 

C’est  après  onze  mois  passés  dans  cet  état,  c est-à-dire 
deux  ans  après  l’accident,  28  décembre  1873,  que  le  ma- 
lade rentra  dans  le  service  de  M.  Verneuil,  à la  Pitié, 

gTande  salle  Saint-Louis,  n°  55. 

L’exploration  de  la  rég-ion  fait  reconnaître  à M.  Verneuil 
la  fracture  du  péroné  à 0,05  centimètres  au-dessus  de  la 
malléole  externe,  l’immobilité  absolue  de  Pastrag-ale  soudé 
au  péroné  et  au  tibia,  la  saillie  de  la  tete  de  cet  os  sous  les 
tég’uments;  il  porte  le  diag'nostic  de: 

Luxation  sous-astrag*alienne  en  dedans. 

En  effet  : 

Le  pied  est  fortement  renversé  en  valgiis  et  dans  1 ab- 
duction forcée.  Le  bord  interne  est  déformé  par  une  saillie 
volumineuse  qu'’on  reconnaît  être  la  tête  de  1 astrag’ale  : 
cet  os  a conservé  ses  rapports  normaux  avec  la  mortaise 
tibio-péronière.  A ce  niveau,  la  peau  est  tendue,  luisante, 
violacée  tout  autour  d’une  ulcération  fong-ueuse  g-rande 
comme  une  pièce  de  1 franc,  et  qui  répond  exactement  à 
la  tête  de  l’astrag^ale. 

En  dehors  et  en  avant  de  la  malléole  externe,  se  trouve 
une  dépression  très-marquée  au-dessus  du  calcanéum  qui 
fait  saillie  au  fond  de  cette  fossette. 

La  malléole  interne  est  aussi  très-marquée.  On  recon- 
naît aussi  très-nettement  rastrag*ale  qui  déforme  le  bord 
interne  du  pied.  11  a ses  rapports  normaux  avec  le  tibia, 
mais  le  calcanéum  est  fortement  déjeté  en  dehors. 

Enfin,  les  mouvements  d’extention  et  de  flexion  sont 
très-limités,  ils  sont  douloureux.  Les  mouvements  d’ad- 
duction et  d’abduction  sont  absolument  supprimés.  On 
aurait  pu  croire  à une  luxation  double. 

L’ancienneté  de  la  lésion  et  surtout  l’état  dans  lequel  se 


— 44  — 


trouve  le  malade,  eng-ag’ent  M.  Verneuil  à tenter  l’extirpa- 
tion de  l’astragale  plutôt  que  l’amputation  de  la  jambe. 

La  netteté  de  ce  cas,  la  persistance  de  la  douleur  et  du 
g’onflement  dont  se  plaigaiait  cet  homme,  l’état  d’un  mem- 
bre d’ailleurs  très-sain,  mais  inutile  et  insupportable,  à : 
l’endroit  duquel  tous  les  moyens  avaient  échoué,  indi-  ’ 
quaient  nettement  qu’il  fallait  intervenir.  M.  Verneuil  se 
décida  sur-le-champ  à pratiquer  l’extirpation  de  l’astra- 
g’ale.  — Les  circonstances  étaient  favorables  du  côté  du 
malade,  résolu  et  doué  d’une  constitution  robuste.  En 
outre,  il  ne  se  trouvait  pas  dans  les  circonstances  ordi- 
naires des  luxations  sous-astragaliennes. 

Il  fallait  dégag^er  et  l’artère  et  le  nerf  tibiaux  posté- 
rieurs. 

M.  Verneuil  envisageant  ensuite  les  suites  probables  de 
cette  opération,  nous  annonça  qu’il  se  ferait  peut-être  une 
ankylosé  entre  les  os  de  la  jambe  et  le  calcanéum,  qu’il 
resterait  peut-être  aussi  quelque  léger  mouvement  dans  le 
pied,  mais,  dans  tous  les  cas,  que  le  malade  jouirait  d’un 
membre  utile,  et  qu’il  pourrait  fort  bien  marcher  ainsi. 

L’opération  eut  lieu  le  24  novembre  1873. 

Le  malade  fut  anesthésié  par  le  chloroforme.  — Un  ap- 
pareil hémostatique  dont  les  succès  étaient  annoncés 
comme  dépassant  toute  prévision,  et  qui,  à peine  né,  faisait 
déjà  grand  bruit  dans  le  monde  chirurgicaL  l’appareil 
d’Esmarch,  fut  appliqué  pour  la  première  fois  dans  cette 
opération.  — Il  est  en  dehors  des  bornes  que  nous  nous 
sommes  assignées  d’apprécier  la  valeur  de  cette  décou- 
verte; tout  ce  que  nous  pouvons  dire,  c’est  qu’il  justifia 
pleinement  le  renom  dont  il  jouissait  i car,  dans  une  opé- 
ration telle  que  celle-ci,  c’est  à peine  si  une  cuillerée  de 
sang  fut  répandue.  En  présence  des  procédés  anciens, 
celui-ci  donnait  donc  les  plus  légitimes  satisfactions  et  ^ 
calmait  la  crainte  d’une  effusion  trop  considérable.  Voici 


le  manuel  opératoire  que  suivit  M.  le  professeur  Verneml. 
Il  se  divise  en  deux  temps  : 

V'"  temps.  — Incision,  courbe  en  avant,  pi’atiquée  a la 
face  interne  de  l'articulation  tibio-tarsienne.  Deuxieme  in 
cision,  horizontale,  partant  delà  première  et  dirig’ée  vers 
la  malléole  externe,  et  passant  au  devant  du  lig’ament  an~ 
nulaire  antérieur  du  tarse,  llaitre  ces  deux  incisions,  on 
dissèque  deux  lambeaux  : un  supérieur,  un  inférieur.  Pour 
conserver  leur  vitalité,  M.  Verneuil  leur  donne  toute  I e- 
paisseur  des  parties  molles  et  met  ainsi  les  os  du  tarse  à 
découvert. 

On  introduit  ensuite  un  instrument  mousse,  en  arrière 
de  Tastrag'ale  afin  de  couvrir  ainsi  le  paquet  vasculo- 
nerveux,  contre  les  atteintes  du  bistouri. 

M.  Verneuil  commence  alors  à énucléer  l’astrag’ale  de 
son  périoste,  il  extrait  l’os  par  frag'ments,  deux  petits, 
l’autre  volumineux.  Mais  ce  dernier  offre  de  g-randes  dif- 
ficultés pour  l’extraire,—  On  aperçoit  alors,  au  fond  d’une 
vaste  cavité,  et  en  arrière,  l’artère  et  le  nerf  tibiaux  pos- 
térieurs, intacts.  C’était  le  but  du  premier  temps  heureu- 
sement terminé. 

2®  temm.  — lledressement  du  pied.  — Ce  temps  a été 
compliqué  d’une  difficulté  qui  a rendu  l’opération  assez 
laborieuse.  Le  redressement  du  pied  n’a  pu  être  obtenu 
immédiatement  après  l’extirpation  de  l’astrag'ale.  Et, 
afin  de  donner  au  pied  une  bonne  position,  il  a fallu  frac- 
turer le  péroné.  M.  Verneuil  a donc  du  effectuer  une  ré- 
section de  la  malléole  externe  ; il  a fait  une  incision  suivant 
la  direction  du  péroné;  puis  ayant  détaché  le  périoste,  il  a 
réséqué  4 centimètres  environ  du  péroné. 

A ce  moment  on  a essayé  à nouveau  le  redressement  du 
pied,  mais  les  plus  g’rands  efforts  ne  purent  y réussir.  On 
s’aperçut  alors  que  le  tibia  et  le  péroné  étaient  réunis  à 


-46  — 


leur  extrémité  inférieure  por  une  synostose  considérable. 
Il  fallut  diviser  cette  symphyse  avec  la  scie;  puis,  pour  ré- 
tablir l’équilibre  entre  les  deux  os  de  la  jambe,  on  a aussi 
réséqué  l’extrémité  inférieure  du  tibia.  C’est  alors  seule- 
ment que  le  redressement  du  pied  a pu  être  opéré.  La 
durée  de  l’opération  fut  de  45  minutes. 

Après  ï opération.  — Drain  allant  de  l’un  à l’autre  côté  du 
pied.  Deux  attelles  pour  maintenir  le  redressement  du 
pied,  l’une  interne,  l’autre  postéro-plantaire  embrassant 
la  jambe  et  le  pied.  Pansement  ouaté. 

Suites  de  ï opération.  — Une  petite  complication  s’est  pro- 
duite quelques  heures  après  l’opération  : c’est  unehémor- 
rhag’ie  veineuse  assez  abondante.  Nous  n’avons  pas  à 
étudier  ici  les  causes  de  ce  phénomène,  qui  rentre  dans 
cette  classe  de  faits  que  M.  Claude  Bernard  a étudiés 'dans 
ses  expériences  sur  les  nerfs  vaso-moteurs.  Mais  il  nous 
semble  qu’on  peut  l’attribuer  à l’application  du  bandag'e 
hémostatique.  Nous  ayons  assisté,  dans  différents  services, 
aux  applications  de  cet  appareil  et  chaque  fois  nous  avons 
pu  noter  qu’une  hémorrbag’ie,  veineuse,  s’est  produite  à 
une  distance  variable  de  l’opération,  mais  toujours  quel- 
ques heures  après.  Quoique  ce  petit  accident  n’ait  présenté 
jusqu’ici  aucun  caractère  de  g*ravité,  du  moins  à notre 
connaissance,  il  y a là  un  fait  qui  pourrait  bien  faire 
pressentir  un  antag’onisme  entre  l’appareil  d Esmarch  et 
le  pansement  ouaté.  Nous  ne  voulions  ici  que  signaler  le 
fait;  à d’autres  le  soin  de  dire  ce  qui  adviendra. 

Nous  avons  scrupuleusement  suivi  l’état  du  malade 
jusqu’au  mois  de  février.  — Des  douleurs  intenses  appa- 
rurent vers  le  dixième  jour  depuis  1 opération  mais  elles 
ont  facilement  cédé  à l’administration  du  sulfate  de  qui- 
nine (0,50  c.).  Depuis  lors  peu  de  faits  importants  à signa- 
ler. _ Le  pansement  ouaté  fut  levé  une  première  fois  au 


47  — 


dix-huitième  jour  : une  deuxième  fois  au  trente- sep- 
tième. La  plaie  avait  chaque  fois  un  aspect  excellent.  A 
partir  de  ce  dernier  terme,  on  fit  le  pansement  à 1 alcool 
phéniqué  : deux  irrig’ations  d’eau  tiède  chaque  jour.  Quel- 
ques fusées  purulentes  se  sont  montrées  dans  les  gaines 
tendineuses  voisines.  — Les  moindres  accidents  étaient 
accusés  par  le  thermomètre.—  Au  quatre-vingtième  jour 
on  enlève  une  partie  du  drain,  l’autre  fut  laissée  jusque 
vers  la  fin  du  mois  d’avril. 

Cependant,  la  cicatrisation  de  la  plaie  de  la  face  externe 
a été  lente  à s’effectuer.  La  névralgie,  qui  avait  apparu 
au  début  de  l’opération,  se  montra  de  nouveau  assez  in- 
tense (avril);  elle  a duré  un  mois;  elle  a cédé  à fusage 
. des  bains  sulfureux  et  à l’administration  de  fhyosciamine 
(0,05  mill.)  en  potion.  — Au  mois  de  mai,  sixième  après 
l’opération,  le  malade  marchait  avec  des  béquilles  et  pou- 
vait poser  son  pied  sur  le  sol.  Au  mois  de  juillet,  il  ne  se 
servait  plus  que  d’un  bâton.  — Duhaut  quitte  l’hôpital  au 
mois  d’octobre  1874,  pour  aller  à Vincennes. 

Etat  actuel  du  pied.  — Le  pied  est  dans  une  bonne  po- 
sition ; il  n’est  plus  douloureux.  Les  cicatrices  sont  bien 
fermées  : mais  il  reste  une  atrophie  assez  notable  de  ce 
côté.  Les  mesures  comparatives  des  deux  jambes  et  des 
deux  pieds  nous  ont  donné  les  résultats  suivants  : 


Pied  gauche*  sain. 
Longueur  du  pied  d’avant  en 
arrière 0,‘25 

Pied  droit  opéré. 

Largeur  au  niveau  des  orteils ...  0,10 
Largeur  en  arrière 0,061/2 

Tibia 0,38 

Péroné 0,39 

11  reste  donc,  avec  une  légère  atrophie  du  pied,  un 
faible  raccourcissement  du  membre  opéré;  mais  on  a pu 
corriger  assez  exactement  la  différence  des  deux  membres* 
par  une  chaussure  à talon  élevé. 


Eq  somme,  si  l’opération  a présenté  quelques  difflcultés 
inattendues,  ses  suites  ont  été  très-satisfaisantes  et  le  ré- 
sultat définitif  est  venu  très-lieureusement  Justifier  ce  que 
M,  Verneuil  attendait  d’elle.  Ce  résultat  est  d’autant  plus 
avantag'eux,  qu’en  outre  de  la  g’uérison,  qui  a couronné 
cette  opération  si  considérable,  il  offre  encore  trois  parti- 
cularités très-importantes  et  que  nous  ne  saurions  laisser 
dans  l’ombre. 

1“  L’application  du  bandag*e  hémostatique  d’Esmarch  a 
eu  une  long“ue  durée.  La  circulation  dans  le  membre  infé- 
rieur aété  suspendue  pendant  quarante-cinq (45)  minutes. 
Il  est  à remarquer,  qu’en  outre  de  l’hémorrhag'ie  veineuse 
que  l’on  retrouve  dans  les  cas  d’une  durée  très-minime,  il 
ne  s’est  produit  aucun  accident  consécutif. 

2°  On  a pratiqué  l’extirpation  de  fastrag’ale;  cette  opé- 
ration s’est  heureusement  terminée  sans  aucune  lésion 
d’org’anes  importants,  tels  que  l’artère  et  le  nerf  tibiaux 
postérieurs, 

2°  Une  symphyse,  imprévue,  entre  les  deux  os  de  la  mor- 
taise tibio-péronière,  a nécessité  une  résection  de  l’extré- 
mité des  deux  qui  la  constituent. 

Ce  fait  est  remarquable  et  l’un  des  premiers  que  l’on  ait 
pratiqués  dans  les  circonstances  que  nous  examinons. 
Nous  ne  nous  arrêterons  pas  à citer  les  nombreux  succès 
que  la  résection  sus-malléolaire  enreg’istre  chaque  jour, 
depuis  les  mémorables  recherches  et  expériences  de  M.  Ol- 
lier, de  Lyon.  Ils  ont  été  judicieusement  étudiés  et  pré- 
sentésavec  beaucoup  d’intellig-ence  par  l’un  de  mes  meil- 
leurs amis,  le  D*'  Francisco  Echeverria  (du  Chili),  dans 
le  courant  de  cette  même  année.  (Thèses  de  Paris, 
août  1874.) 

Les  chirurg*iens,  à l’unanimité,  reconnaissent  aujour- 
d’hui la  g-rande  valeur  de  l’extirpation  de  l’astrag'ale  dans 


les  luxai, ions  anciennes  ; la  supériorité  très- notable  de  cette 
opération  sur  celles  que  l’on  a fait  subir  dans  les  mêmes 
cas,  ne  saurait  être  mise  en  doute. 

Cette  opération , appliciuee  aux  luxations  sous-astiag’a- 
bennes,  est  de  date  récente.  Il  n’en  existe  non  plus  encore 
que  six  cas.  Le  nombre  restreint  des  documents  que  nous 
possédons,  g'i'âce  a l extreme  obligeance  de  M.  le  piofes- 
seurBroca,  ne  nous  autorise  pas  a dresser  une  statistique 
définitive.  Car,  ne  possédons-nous  peut-être  que  les  succès 
qui  ont  été  obtenus,  tandis  que,  comme  il  arrive  souvent, 
les  auteurs  auront  jeté  dans  l’ombre  les  cas  malheureux. 
Cependant,  dans  le  petit  nombre  de  faits  que  nous  avons 
pu  découvrir,  toutes  les  tentatives  ont  été  heureusement 
couronnées  par  le  succès.  Et  cela  suffît  déjà  pour  dé-  ^ 
montrer  la  valeur  considérable  de  l’extirpation  tardive  de 
l’astrag’ale. 

Nous  ne  sommes  pas  le  premier  à mentionner  ces  ré- 
sultats. Déjà  M.  Broca,  en  1852,  témoig-nait  des  résultats 
heureux  que  bon  était  en  droit  d’attendre  de  l’extirpation 
tardive  appliquée  aux  anciennes  luxations  sous-astrag*a- 
liennes  non  réduites. 

Il  écrivait  alors  dans  ia  Gazette  des  hôpitaux:  «Cinquante- 
deux  sujets  ont  subi  l’extirpation  de  l’astrag’ale  (extirpa- 
tion consécutive);  dix  sont  morts.  Faut-il  pour  cela 
abon donner  l’extirpation  de  l’astrag’ale  et  lui  préférer 
l’amputation  sus-malléolaire?  Telle  n’est  point  notre 
pensée. 

Lorsqu’un  malade  échappe  à l’amputation  de  la  jambe, 
on  peut  dire  qu’il  n’est  pas  mort,  mais  on  ne  peut  pas  dire 
qu’il  soit  guéri.  Quelques  progrès  qu’aient  faits  les  moyens 
prothétiques,  jamais  cet  amputé  ne  pourra  reprendre  les 
travaux  pénibles,  ni  la  longueur  des  marches;  car  l’ampu- 
tation sus-malléolaire  est  seule  en  cause  ici.  Et  puis,  en 

Du  Bourg.  4 


— 50  — 

dehors  de  loiiLe  perte  fonctionnelle,  n’esL-il  pas  triste  d’etre 
mutilé? 

L’extirpation  de  l’astrag'ale,  au  contraire,  permet  la 
conservation  du  membre.  L’ankylose,  quoique  presque 
inévitable  du  cou-de-pied,  n’empêche  pas  le  malade  de  ] 
marcher,  de  recouvrer  sa  force  et  son  ag'ilité.  C’est  ce  qui  | 
a lieu  dans  le  plus  grand  nombre  des  cas.  Le  renversement 
consécutif  du  pied  peut  être  évitépar  un  traitement  convena- 
ble, et  il  ne  reste  qu’  une  difformité  très-lég’ère,  quelquefois 
inappréciable. Et  pour  obtenir  ce  résultat,  quel  est  le  malade 
qui  ne  consentirait  pas  à courir  les  chances  d’une  opération 
plus  grave  que  l’amputation  ? Or  il  n’est  pas  encore  dé- 
montré que  l’extraction  de  l’astragale  soit  plus  grave  que 
l’amputation  sus-malléolaire.  Car  on  ne  possède  pas  des 
relevés  suffisants  sur  cette  opération  pratiquée  à la  suite 
d’un  traumatisme  ancien.  » Gazette  des  hôpitaux;  Paris, 
13-22  juil.  1860. 

Depuis  cette  époque  les  choses  ont  marché,  et  quelques 
faits  sont  venus  s’ajouter  aux  autres.  Toutes  les  extirpa- 
tions tardives,  appliquées  à des  cas  anciens,  fournissent 
autant  de  guérisons  que  d’opérations.  Dans  les  observations 
que  M.  Broca  a colligées,  il  y a eu  dix-sept  opérations  con- 
sécutives, seize  ont  très-bien  et  promptement  guérij  un  seul 
a dù  subir  postérieurement  l’amputation,  et  il  a guéri  (1). 
Cette  opération  est  donc  aujourd’hui  1 une  des  plus  heu- 
reuses que  le  chirurgien  puisse  pratiquer.  Ce  qui  ne  veut 
pas  dire  que  l’on  soit  exempt  de  dangers,  car  cette  opéra- 
tion n’en  reste  pas  moins  une  opération  très-grave.  Et  à 
ces  succès  nous  sommes  heureux  de  joindre  celui  qu  a 
obtenu  dans  le  courant  de  cette  année  notre  excellent 

maître,  M.  Verneuil. 

Voici  d’ailleurs  quelques  observations  qui  rentrent  en-- 
tièrement  dans  les  vues  de  notre  sujet,  et  qui  suffiront  ai 


(1)  Broca.  Loc.  cit. 


— 81  — 


montrer  la 
nous  avons 
maître. 


g-rande  valeur  de  l’opération  ; opinion  que 
émise  sous  les  auspices  de  notre  excellent 

Observation  VI. 


Luxation  de  l’astragale  sans  plaie. — Irréductibilité.  Guérison.  Néanmoins 

extirpation  de  l’astragale. 

M.  Arnott  montre  un  astrag-ale  qu’il  a enlevé  par  suite 
de  la  luxation  de  cet  os  en  avant  et  en  dehors,  avec  deux 
moules  montrant  le  membre  avant  et  après  l’opération. 

Un  homme  fut  admis  à Middlesex  Hospital.,  étant  tombé 
de  haut  sur  le  pied  droit.  Il  y avait  inversion  du  pied  dont 
le  bord  externe  touchait  le  sol;  dépression  remarquable, 
saillie  très-distincte  à la  partie  antérieure  et  externe  du 
tarse.  Sur  cette  saillie  la  peau  était  fortement  tendue,  en- 
flammée et  abrasée. 

Il  n’y  avait  pas  de  doute,  l’astrag’ale  était  luxé  en  avant 
et  en  dehors. 

Tentatives  de  réduction  au  moyen  du  chloroforme  : 
extension,  pression  directe  sur  l’os,  etc.  On  crut  avoir 
réussi,  mais  plus  tard  le  g’onflement  subsistant,  on  re- 
connut que  le  membre  était  en  aussi  mauvais  état  qu’au- 
paravant.  Après  quelque  temps  le  membre  étant  faible, 
distordu  et  presque  inutile,  on  conseilla  à cet  homme  de 
se  faire  enlever  l’astrag'ale.  Il  y consentit.  Arnott  (1)  fit 
l’opération.  Pour  séparer  cet  os  du  calcanéum,  il  éprouva 
la  plus  g’rande  difficulté;  le  lig’ament  interosseux  établissait 
entre  ces  deux  os  une  telle  union  qu’il  fallut  le  déchirer  en 
tirant  sur  l’os  avec  un  crochet  et  une  poulie.  L’issue  fut 
favorable,  et  le  malade  quitta  l’hopital  avec  un  membre 
très-utile,  le  pied  ayant  parfaitement  repris  sa  position 
véritable. 


(1)  Cas  d’ Arnott.  Lond.  med.  Gaz.,  1849.  T.  LXIIl  (Société  pathologique 
de  Londres,  15  janvier  1849). 


— .S2  — 

Observation  VIL 

i 

Luxation  de  l’astragale  avec  plaie.  — Aucune  réduction. — Cicatrisation. — f 
Grande  difformité.  — Extraction  consécutive  de  l’astragale.  1 

Femme  de  33  ans,  chute  du  quntrièmè;  transportée  sans 
connaissance  à la  Charité.  Fracture  de  l’humérus  droit, 
fracture  du  péroné  droit  au  tiers  inférieur  avec  luxation 
complète  de  l’astrag’ale  en  avant  et  en  dehors,  et  avec  plaie 
qui  laissait  voir  l’astrag’ale.  L’astrag’ale  ne  fut  pas  extrait^ 
et  il  ne  fut  pas  réduit  non  plus  (cela  résulte  du  moins  de 
certains  détails  de  cette  observation,  quoique  cela  ne  soit 
pas  dit  expressément).  Néanmoins  il  y eut  cicatrisation 
parfaite;  les  fractures,  bienréduites,  se  consolidèrent  bien,  i 
mais  le  pied  resta  impropre  à la  marche.  Six  mois  après  sa 
chute,  peu  de  temps  après  sa  sortie  de  la  Charité,  elle  entra 
à l’Hôtel-Dieu  pour  se  faire  amputer  la  jambe. 

Etat  du  membre  : pied  en  forme  de  varus  très-pro-  1 
noncé;  sur  la  face  dorsale  une  cicatrice  inég’ale,  une  { 
saillie  volumineuse  formée  par  l’astragale  : marche  très-  } 
douloureuse.  ' 

Au  lieu  d’amputer  la  jambe,  Dupuytren  pratiqua  l’ex- 
traction de  l’astragale.  Incision  cruciale  sur  la  cicatrice. 
Dessiccation  de  l’os  : application  d’un  premier  lacs  sur  la 
tête  de  cet  os  ; puis  d’un  second  lacs  ; tractions  nombreuses; 
enfin  l’astragale  fut  extrait.  Les  rédacteurs  ajoutent  que 
l’extraction  fut  prompte  et  facile  : ce  qui  est  en  contradic- 
tion avec  la  description  qu’il  ont  donnée  de  f opération.  Peu 
d’hémorrhagie  ; aussitôt  on  redresse  le  pied  sans  difficulté. 

— Linge  troué.  Pansement  simple. 

Voir  dans  l’orig*inal  la  suite  de  l’observation.  Rog’iietta, 
qui  jusqu’ici  a cité  textuellement,  continue  ainsi  : 

« La  réaction  qui  a succédé  à cette  opération  a été  assez  ; 
orageuse,  mais  enfin  la  plaie  a pris  une  bonne  marche,  et 


— 53  - 

la  malade  a fini  par  g’iiérir  en  conservant  le  pied  dans  la 
rectitude  normale.  Deux  mois  après  l’opération,  la  malade 
marchait  parfaitement  à l’aide  d’un  simple  brodequin  ayant 
un  talon  élevé  d’un  pouce.  » 

6“  cas  de  Dupuytren  [Leçons  orales,  t.  II,  2“  édit.,  p.  10  à 
19).  (Cité dans  Rog’iietta  et  Fournier  Deschamps:  Mémoire 
sur  ï extirpation  de  l' astragale,  1843,  in-8°,  p.  31.) 

Observation  VIII. 

A.  Luxation  de  l’astragale  irréductible  (sens  dessus  dessous).  Aucune 
plaie.  Eschare.  Cicatrisation  sur  l’os.  Guérison  par  ankylosé  complète. 

B.  Vingt  jours  après  la  guérison,  extirpation  de  l’astragale  sans  aucun 

prétexte. 

James  Bracewell,  27  ans,  prisonnier  à la  maison  de  cor- 
rection de  Wakefield,  entra  à l’infirmerie  de  Leeds,  service 
de  Smith,  le  3 août  1830. 

1®^’ jour.— La  veille,  à 3 heures,  en  montant  sur  la  grande 
roue  pour  la  faire  tourner,  il  rencontra  une  marche  qui  se 
brisa,  et  son  pied  fut  pris  par  la  roue.  Il  ne  put  se  relever. 
M.  Dann,  chirurgien  de  la  prison,  essaya  vainement,  pen- 
dant deux  heures,  de  réduire  les  os,  et  envoya  le  malade 
à l'hôpital. 

2“  jour.  — L’astrag^ale  fait  saillie  au-dessus  de  l'extré- 
mité antérieure  du  calcanéum.  La  plante  du  pied  est  tour- 
née en  dedans  ; le  bord  externe  dirig’é  en  bas  ; deux  sail- 
lies, qui  paraissent  être  les  deux  angies  externes  de  l’as- 
trag’ale  (sic)  soulèvent  la  peau.  Tentatives  de  réduction 
avec  des  poulies.  Smith  se  décide  à laisser  les  choses  en 
place,  espérant  qu’il  y aura  g’ang-rène,  issue  de  l’astra- 
g’ale,  et  articulation  entre  le  tibia  et  le  calcanéum.  Cata- 
plasmes. 

.O*"’  jour.  — Commencement  de  g’angTène  sur  la  tumeur. 

14®  jour.  — Elle  s’accroît.  — 30®  jour.  — La  g’ang’rène 
s accroît  encore.  — Constitution  altérée,  amaig’rissement; 


grande  faiblesse.  — 41®  jour.  — La  g’angrône  est  limitée; 
vaste  abcès  à la  partie  interne  du  pied.  Même  état  g-éné-  I 
rai.  L’astragale  n’est  pas  mobile;  il  ne  se  comporte  pas 
comme  un  corps  étranger.  On  n*’ose  pas  l’enlever.  ~ 

52“  jour.— L’abcès  est  presque  fermé.  Gérât.  Amélioration 
de  l’état  général. 

58“  jour.  — L’abcès  suppure  toujours  : centre  envahi. 

61® jour.  — Nouvelle  eschare  en  avant  de  la  première:  ’ 
en  aperçoit  une  articulation  qui  paraît  être  cetle  de  l’astra- 
gale avec  le  scaphoïde.  — 76®  jour.  — Granulations  sur 
l’os;  elles  couvrent  bientôt  tout  l’os,  et  saigment  au  contact 
du  stylet  : pas  d’osselet.  Affaiblissement  général. — 92®  jour. 

— Plus  de  douleur;  la  santé  revient;  la  plaie  est  presque 
cicatrisée.  — 122®  jour.  — La  cicatrisation  est  complète. 

Vingt  jours  plus  tard,  attendu  que  le  malade  ne  pouvait 
pas  marcher  sur  le  pied  blessé,  on  rassembla,  en  consul- 
tation, Charley,  Hey  et  Smith,  et  on  décida  qu’on  enlève- 
rait l’astragale,  sauf  à amputer  si  cela  ne  réussissait  pas.  , 

(Enlever  l’astragale  d’un  homme  guéri  ! Hey  et  Charley  ^ 
complices  de  cette  opération  ! ) 

Opération.  — Le  23  décembre  1830,  quatre  mois  et  vingt 
jours  après  l’accident,  Smith  fit  une  incision  cruciale  sur 
la  saillie  de  l’astragale,  disséqua  le  lambeau,  et,  après 
une  opération  des  plus  laborieuses  à cause  de  l’ankylose 
solide  qui  unissait  cet  os  à ses  voisins,  après  s’être  servi 
de  tire-fonds,  de  gouges,  de  leviers,  le  chirurgien  finit  par 
avoir  l’os.  On  trouva,  pendant  l’opération,  qu’il  était  re- 
tourné sens  dessus  dessous,  comme  dans  le  cas  de  Dupuy- 
tren.  Réunion  avec  des  bandelettes. 

3®  jour  de  l’opération.  — La  réunion  n’a  pas  réussi.  Plaie 

blafarde.  Cataplasmes. 

13®  jour.  — Boug’eons  charnus.  La  plaie  guérit.  Cesser 
les  cataplasmes. 


18®  jour.  — La  brèche  est  comblée;  les  bourg-eons  char- 
nus débordent.  Bandelettes  ag’g'luti natives. 

27®  jour.  — La  plaie  continue  à marcher  vers  la  g*ué- 
rison.  On  peut  presser  partout  sur  le  pied  sans  faire 
souffrir  le  malade.  Mais  le  pied  est  dévié;  le  bandag-e  ne 
suffit  pas  pour  le  redresser.  On  fait  faire  un  soulier  échan- 
cré  au  niveau  de  la  plaie,  et  on  applique  un  appareil  qui 
prend  son  point  d’appui  sur  le  g*enou,  afin  d’attirer  en 
haut  le  bord  externe  du  pied.  On  permet  au  malade  de  se 
lever  dans  le  jour;  mais  il  ne  peut  mettre  le  pied  à terre, 
les  muscles  postérieurs  de  la  cuisse  étant  raccourcis  par  la 
rétraction. 

Térébenthine  sur  les  muscles. 

52®  jour.  — Pied  presque  redressé.  Un  peu  de  varus. 
L’usag’e  du  g*enou  est  presque  entièrement  revenu.  On 
donne  une  botte  à double  semelle.  (On  ne  dit  pas  à quelle 
époque  la  plaie  fut  g’uérie.)  — 58°  jour.  — Raccourcisse- 
ment d’un  pouce.  La  botte  à double  semelle  fait  un  bon  effet. 
Exeat  (1). 

Résultat.  — Le  7 décembre  1831,  le  malade  éciit:  « Ma 
jambe  va  beaucoup  mieux;  elle  est  assez  forte  pour  que  je 
puisse  marcher  autour  de  ma  maison  avec  Taide  d’un 
bâton.  )' 

Plus  tard,  Smith  l’a  revu;  il  pouvait  marcher  eu  boitant. 

Résultat  définitif.,  p.  495-6  : Bracewell  a une  excellente 
articulation  en  charnière  entre  le  tibia  et  le  calcanéum. 

Observation  IX. 

Luxation  de  l’astragale.  — Extirpation  le  8®  mois.  — Guérison. 

D G.  AiV.  S.,  30  ans,  nervoso-sang’uin,  eut  une  fièvre 
dans  son  voyag’e  en  Géorgie,  en  1819.  Il  resta  plusieurs 

(1)  3«  Cas  de  Smith,  de  Leeds.  (Turner,  On  dislocation  of  astraaole  loc. 
cit.,  p.  414,  observ.  23  de  Turner.) 


semaines  clans  sa  chambre.  Au  commencement  de  sa  con- 
valescence, il  faisait  une  petite  course  dans  une  voiture 
ouverte,  quand  ses  chevaux  s’emportèrent.  Ayant  eu  l’im- 
prudence de  s’élancer  hors  de  sa  voiture,  il  tomba  sur  son 
pied  g-auche,  et  se  luxa  l’astragale  dam  son  articulation 
avec  le  scaphoïde^  en  haut  et  un  peu  en  dehors. 

Plusieurs  médecins  firent  des  efforts  violents  et  inutiles 
de  réduction.  Gela  provoqua  une  fièvre  violente,  du  gon-  : 
flement,  de  l’inflammation  de  l’articulation,  et  l’ulcéra- 
tion de  la  peau,  de  telle  sorte  c[ue  la  tête  de  l’astragale  fut 
exposée  à l’air  et  se  caria.  Cet  accident  retint  le  malade 
dans  sa  chambre  plusieurs  mois  encore.  Au  mois  de  juil- 
let, six  mois  après  sa  chute,  il  vint  à Colombie,  à 150  mil- 
les de  là.  Sa  santé  générale  n’était  qu’imparfaitement  re- 
venue. Son  cou-de-pied  était  très-enflé,  quelquefois  dou- 
loureux, et  permettait  peu  de  mouvements.  Le  pied  tourné 
en  dedans  était  un  peu  étendu.  Un  ulcère  circulaire,  d’en- 
viron trois  quarts  de  pouce  de  diamètre,  laissait  voir  la 
tête  cariée  de  Fastrag’ale.  La  marche  se  faisait  avec  des 
béquilles. iLe  pied  malade  ne  pouvait  supporter  qu’un  très- 
làible  poids.  A.  la  fin  de  juillet,  ayant  fait  plus  d’exercice 
que  de  coutume,  le  malade  fut  attaqué  d’une  violente  in- 
Uammation  qui  gagna  tout  le  tarse,  accompagnée  de  fu- 
sion, d’un  gonflement  considérable,  de  douleur  très-vive 
et  de  fièvre  intense. 

Saignée  g’énérale  et  locale  : diète.  Malga’é  cela,  au  bout 
d€'  quelques  jours  une  suppuration  abondante  s’établit  et 
r-it  évacuée  par  de  petits  coups  de  lancette  donnés  sur  les 
côtés  de  l’articulation. 

A ces  violents  symptômes  succédèrent  des  phénomènes 
liectiques.  Troubles  dig’estifs  : de  4 à 6 onces  de  pus 
par  jour;  rajiide  amaigrissement.  Au  stylet,  on  recon- 
naissait que  l’astrag’ale  était  cariée  en  différents  points. 
Commie  l’astragale  paraissait  seule  malade,  je  me  décidai 


à l’Bnlever  plutôt  cjue  de  couper  la  jambe.  O est  ce  cjue  je 
fis  le  18  août  : 

Incision,  commençant  sur  la  plaie  déjà  existante  près 
du  tendon  de  l’extenseur  commun,  dirig’ée  obliquement 
en  bas  et  en  arrière,  de  manière  à dépasser  l’extrémité 
inférieure  du  péroné  (1). 

L’os  fut  soigmeusement  séparé  de  ses  attaches.  Opéra- 
tion très-facile.  Aucun  vaisseau  à lier.  La  plaie  resta  ef- 
frayante. Le  pied  semblait  presque  séparé  de  la  jambe. 

2®jour.  — Peu  de  douleur.  Quelques  spasmes  dans  la 
jambe. 

3®  et  4"  jours.  — État  favorable. 

5®  jour.  — Douleur  sur  le  tendon  d’Achille. 

6°  jour.  — Suppuration  abondante.  Pas  de  douleur. 

7®  jour.  — Troubles  intestinaux.  Opium. 

.Jusqu’au  10®  jour  ces  accidents  s’ag’g’ravent.  Prostration. 

11® jour.  — Amélioration.  Granulations. 

15®  jour. — Appétit.  Plaie  en  bon  état.  Suppuration  mo- 
dérée. 

24®  jour.  — Va  très-bien.  A pu  lire  cent  pag’cs  in-octavo. 

25®  jour.  — Quelques  troubles  intestinaux,  après  quoi 
aucun  accident  n’entrave  la  convalescence. 

45®  jour. — Plaie  cicatrisée. 

Un  an  après  le  malade  revient  dans  ma  ville,  marchant 
sans  difficulté  ; cou-de-pied  parfaitement  sain.  Jambe  rac- 
courcie d’au  moins  1 pouce.  Pour  suppléer  à ce  défaut, 
porte  chaussure  à talon  haut. 

Qu’est-il  besoin  d’ajouter  après  la  lecture  de  ces  obser- 
vations? Joutes  ne  témoigment-elles  pas  hautement  en  fa- 
veur de  la  supériorité  de  l’extirpation  de  l’astrag’ale  dans 

(1)  3=  cas  de  Smith  de  Leeds  (Turner,  One  dislocation  of  astragal,  loc.  cit. 
p.  414,  obs.  23  de  Turner. 


— 58  — 


les  luxations  anciennes?  Qu’importe  qu’elles  appartien- 
nent ou  non  aux  luxations  sous-astrag-aliennes? 

Néanmoins  nous  ne  terminerons  pas  notre  travail  sans 
donner,  en  présence  des  ces  résultats,  les  conclusions  aux- 
quelles est  arrivé  M.  Broca,  dans  son  mémoire,  que  nous 
avons  déjà  cité,  lorsqu’il  a comparé  la  valeur  des  divers 
procédés  opératoires.  Mais,  malheureusement  la  différence 
est  g^rande  entre  les  faits  qu’il  a examinés  et  les  faits  spé- 
ciaux dont  nous  nous  sommes  occupé,  si  l’on  ne  considère 
que  l’ancienneté  de  chacun  d’eux.  Sauf  dans  un  seul  cas, 
je  n’ai  pas  rencontré  d’observations  où  l’on  ait  employé  un 
autre  moyen  que  l’extirpation,  quand  on  a eu  affaire  aux 
accidents  provoqués  par  une  luxation  ancienne. 

L’amputation  fut  pratiquée  après  la  résection  d’une  par- 
tie de  l’astrag-ale,  et  le  malade  g’uérit. 

L’extirpation  immédiate  a été  faite  36  fois.  Il  y a eu 
9 morts. 

L’extirpation  consécutive  a été  pratiquée  16  fois,  et  en 
plus  notre  cas.  Sur  17  observations,  16  ont  g-uéri  de  l’opé- 
ration. Mais  1 opéré  a dû  supporter  l’amputation  de  la 
jambe;  encore  il  est  g’uéri.  Les  morts  sont  donc  encore 
nulles. 

Parmi  ces  derniers  faits  sicc  se  rattachent  spécialement 
aux  circonstances  que  nous  avons  recherchées  et  déter- 
minées. A ces  cas,  nous  joig-nons  celui  de  M.  le  professeur 
Verneuil.  Donc  7 cas  d’opérations,  7 g'uérisons.  Ces  chif- 
fres eu  disent  assez  par  eux-mêmes  et  se  passent  de  tous 
commentaires.  L’extirpation  tardive  telle  que  nous  1 avons 
entendue  est  donc  une  operation  qui  réalisé  les  plus  bril- 
lantes espérances  que  le  chirurgien  puisse  concevoir. 


— 89  — 


CONCLUSIONS. 

Les  luxations  sous-astrag'aliennes  anciennes  peuvent  se 
terminer  : 

1°  Par  g’Liérison,  sans  opération.  Elles  ne  constituent 
alors  qu’une  difformité  durable. 

2°  Elles  peuvent  développer  des  accidents  à une  époque 
plus  ou  moins  éloig*née,  et  elles  produisent,  dans  ce  cas, 
des  infirmités  persistantes. 

3°  Les  difformités,  sans  accidents  d’aucune  sorte,  ne 
réclament  actuellement  aucune  intervention. 

4®  Les  infirmités  réclament  toujours  l’intervention. 

Elles  sont  de  deux  sortes  : 

(a)  Les  unes  peuvent  g-uérir  par  la  prothèse^  simplement; 

(b)  Les  autres  ne  guérissent  que  par  l’opération;  dans 
ce  cas,  c’est  à ï extirpation  tardive  que  nous  donnons  la  pré- 
férence. 

5®  L’extirpation  paraît  être  d’autant  plus  avantag’euse 
qu’on  la  tente  à une  époque  plus  éloigmée  de  l’orignne  de 
la  luxation. 


TABLEAU  SYNOPTIQUE  DES  OBSERVATIONS  CITÉES  DANS  CE  TRAVAIL. 


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INDEX  BIBLIOGRAPHIQUE. 


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